C’est un paradigme de notre temps qui se vérifie chaque jour que les Dieux de l’internet font: face à la tempête de la révolution digitale, nous sommes pris dans la quadrature du cercle, paumés dans une terra incognita qui s’étend entre des préceptes moraux tous valables mais aussi absolument inconciliables.
Tous nostalgiques de ce temps de vaches maigres où voir un docu de Herzog ou écouter un album de Drexciya, enregistrer un Mellotron ou monter un clip demandaient des efforts considérables, on stocke sur nos disques durs des tonnes de merveilles qu’une vie entière ne suffirait pas pour qu’on puisse en profiter; on milite simultanément pour la libre circulation de la culture et pour la rémunération des acteurs indépendants, on argumente autant sur la démocratisation de l’art que la rareté du talent, on fustige autant l’élitisme petit-bourgeois des vieux musiciens installés que les kids inconscients qui torchent des tracks sur Ableton live entre un twit et un épisode de Breaking Bad.
Bref, nous sommes tous simultanément des luddites modérés et des technopositivistes dépressifs, et le gros des débats ne se fait pas sur internet, mais dans nos propres coeurs.
Parce que comme l’explique Moby, “Presque tous les acteurs du monde de l’art, de la musique, de la littérature et de la création sont à la fois excités et terrifiés, personne ne sait d’où viendra la prochaine paye mais tout le monde est excité de pouvoir créer et communiquer avec son public si vite“, David Dworsky et Victor Köhler de l’agence suédoise House of Radon ont eu la presciente idée de se pencher sur ce panier de crabes théorique et d’en faire un film.
PressPausePlay est un long, beau documentaire qui questionne autant les artistes (Moby, Robyn, Yasuhiko Fukuzono, la cinéaste Lena Dunham) que les théoriciens (le GENIAL Bill Drummond de The KLF, Seth Godin) et les pièces rapportées (une ancienne CEO de la RIAA, des gens de The Hype Machine, Pitchfork, Last FM et The Wire) et si on en sort pas plus renseignés sur nos déchirements éthiques, si la question :”Est-ce que Scorcese ou Hitchcock auraient eu la même carrière s’ils avaient débuté en 2010, est-ce que leur art aurait été englouti dans l’océan de caca d’internet?” reste sans réponse, ça fuse vraiment.
Et même Moby est intéressant (on lui est reconnaissant de nous mettre à la page sur le principe de Grey Goo).
Bien sûr, la réalisation est un poil convenue (interview table basse, habillages animés façon Sundance, foules de danseurs qui sautent au ralenti comme dans Matrix), mais on n’avait jamais vu de doc si docte et pertinent sur la question. Produit de manière complètement indépendante, le film est regardable intégralement (et en HD s’il vous plaît) ci-dessous ou à télécharger gratuitement sur le site officiel.
PressPausePlay from House of Radon on Vimeo.
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