Quatrième année consécutive que l'on s'arme de courage et qu'à peine descendus du Train Express Régional qui nous a diligemment ramenés vers Paris on fait le tour des albums sortis pendant qu'on avait le dos tourné. Au programme de notre séance de rattrapage, un peu de freak folk enfumé signé Avey Tare, pas mal de galettes rap et affiliés avec Shabazz Palaces, Dizzee Rascal, Tyler, The Creator et ses lointains descendants de Brockhampton, une pincée de musique de club avec les New-yorkais de Blondes et le Fabriclive de Daphni, un aperçu de la bourdonnante nouvelle scène jazz londonienne grâce à Vels Trio et un tour en des contrées plus inhospitalières avec le dernier EP de Ben Frost produit par l'irascible Steve Albini.
AVEY TARE - Eucalyptus
Comme on vous le disait récemment, les dix ans de la sortie de Person Pitch ont été l'occasion de constater l'impact assez fabuleux du deuxième album solo de Panda Bear. De son côté, Avey Tare, autre tête pensante d'Animal Collective, ne semble pas décider à révolutionner quoi que ce soit mais plutôt à se rouler langoureusement dans ses propres habitudes. Cet Eucalyptus enregistré du côté de Big Sur ne risque donc pas de ré-inventer la mayonnaise avec ces mélopées freak folk et ces vocalises qui sentent la fumette bio. Un peu indigeste, le disque réserve pourtant quelques belles surprises mais amène à se demander si l'impasse dans laquelle Animal Collective se trouve depuis Merriweather Post Pavillion ne réside pas malheureusement dans cette prise de pouvoir de la texture sur le songwriting qui handicape pas mal ce nouvel album.
BLONDES - Warmth
BROCKHAMPTON - Saturation
Sur le papier Brockhampton est tellement bien pitché qu'on dirait un brief d'agence de pub pour une nouvelle campagne de sappes. Collectif de 15 gars, monté par un certain Kevin Abstract, post-ado texan sur un fansite de Kanye West (salut le coup de vieux), l'autoproclamé "american boyband" parait bien décidé à prendre la place béante laissée par Odd Future. Ne boudons pas notre plaisir: Saturation, musicalement débarrassé de son agaçante image branchouille réserve de beaux moments et fait la nique à pas mal de têtes de gondoles (Joey Bada$$ et son horripilant dernier album en tête).
SHABAZZ PALACES - Quazarz: Born on a Gangster Star and Quazarz vs. The Jealous Machines
Shabazz Palaces continue son bout de chemin qu'on n'imagine pas vraiment pavé de lingots d'or. Ici donc pas de featurings tapageurs, de messages simplistes mais toujours cette impression que les deux quarantenaires flottent au dessus de la vulgarité du monde qui les entoure. En pleine mode afro-futuriste (sur laquelle ils ont tout de même bouffé en devenant égérie Kenzo), le duo de Seattle reprend son élan et ré-injecte un peu de soul et de hip hop 90's dans son synth rap psyché. La reformation récente de Digable Planets, premier groupe d'Ishamel Butler a-t-elle quelque chose à y voir? Au fond on s'en fout un peu tant ce double album (une histoire de SF gangsta mise en musique) exhale une grâce sonore assez folle.
VELS TRIO - Yellow Ochre
Depuis que Shabaka Hutchings nous a (très élégamment) ri au nez quand on lui a parlé du "renouveau de la scène jazz anglaise", on fait gaffe à ce qu'on raconte. De fait tout n'est que continuum et Pete Wareham, l'un des principaux animateurs de la scène anglaise depuis 15 ans (avec ses groupes Acoustic Ladyland, Polar Bear et maintenant Melt Yourself Down) et influence majeure pour Shabaka a joué avec James Chance ; et Evan Parker, légende du free jazz britannique (et du free jazz tout court) fraye avec les kids Binker & Moses.
On aurait quand même bien envie de vous dire que les Brightoniens de Vels Trio sont les nouveaux Yussef Kamaal, que ça a l'air vraiment trop frais ce qui se passe en ce moment au Total Refreshment Center (ex-entrepôt de Dalston reconverti en club Dancehall et désormais occupé par les nouveaux kids du jazz) et que le premier EP de Jack Stephenson-Oliver, Dougal Taylor et Cameron Dawson (qui ressemblent pas mal à des gars qui sèchent le CNSM, il faut le dire), paru fin juin, est l'une des réponses à cette question que tout le monde a lancé à la cantonade entre les brochettes et le melon cet été : "il se passe quoi en fait avec le broken-beat là ?"
Vels Trio ouvrira pour l'hommage de Shabaka à Pharoah Sanders le 6 septembre à Jazz à la Villette.
DIZZEE RASCAL - Raskit
A l'occasion de son Fabriclive, la caution responsabilité et âge adulte de tous les festivals électroniques du monde libre - co-détenteur du titre avec Floating Points - Dan Snaith renoue avec son aka Daphni qu'il avait remisé au placard - en tout cas en tant que producteur - depuis 2012. L'ex-étudiant en mathématique de l'université de Toronto a décidé de faire comme Omar S et de ne mixer que des unreleased, soit 23 originaux et 4 edits dont la majorité ont été composés pour l'occasion. Comme on pouvait s'y attendre les 27 morceaux sont intelligents, hyper référencés, jamais tout à fait clubs. Là où un autre de ses héros - Villalobos - assume son goût pour la musique de danse qui tâche les doigts, Snaith se force souvent à sacrifier l'efficacité pour mettre une louche d'intellect pas toujours bienvenue.
TYLER, THE CREATOR - Flower Boy
Ben Frost - Threshold Of Faith
Adrien Durand, Damien Besançon, Arthur Cemeli