Baptisée "Pleine Conscience" la première soirée de l’édition
parisienne du festival Red Bull Music Academy entendait s’adresser
directement à la psyché, et proposait pour l’occasion une affiche
dense, pensée pour un public hétéroclite qui mélangeait curieux
et avertis. Les sous-sols bruts du Palais de Tokyo avaient été
aménagés pour l’occasion, avec une attention toute particulière
portée sur l’ambiance visuelle.

MANTE RELIGIEUSE
Visage
dissimulé derrière une voilette noire, Pan Daijing est la première
à rompre le silence. Pas étonnant puisque la musicienne est
elle-même un produit de Red Bull et de son académie musicale
(lorsque celle-ci a fait étape à Montréal). Adoubée au festival
Atonal l’an dernier, elle livre un live intéressant
quoiqu’inclassable — ponctué par un hurlement final qui reste
certainement l’instant le plus captivant de toute la performance.
On retient de son passage une atmosphère qui oscille entre le
bizarre et le lugubre, de quoi en ravir certains et et déconcerter
d’autres.
LE BAL DU BLEME
Visage
livide et air renfermé, Prurient arbore comme à son habitude un
masque taciturne très théâtral, pourtant la performance qu’il
livre est moins brutale qu’attendue. Plus apaisé bien que toujours
colérique, son live en devient presque intime. Derrière lui, des
images de tempête de neige défilent, et on le suit à travers un
dédale de couloirs vides. On l’avait vu cet été sur la scène du
festival Visions, à la limite de la caricature (hurlant et
éructant); s’il conserve une attitude théâtralement
antipathique, il est ce soir là bien plus en retenue et plus juste.
PERCUSSIONS IMPERIALES
En tournée à l’occasion de la réédition de son album Lunar Cruise, la percussionniste japonaise Midori Takada était très attendue. En Mars 2017, la réédition d’un précédent album, le culte Through The Looking Glass avait permis que son travail sorte de l’anonymat, et soit diffusé en dehors du cercle très restreint des collectionneurs. Ce soir là, elle fait la démonstration de son talent : à l’écoute de chaque vibration, entre délicatesse et précision extrême elle fait vibrer ses percussions dans une performance solennelle, très chorégraphiée. Les sonorités des gongs de métal se mélangent à celles des instruments en bois, aux peaux tendues et aux terres cuites. Impérial.
CALME OMBRAGEUX
Cette soirée marque le retour sur scène du producteur allemand Wolfgang Voigt, à la tête du label mythique Kompakt. Sous son alias GAS, il propose un live ambient calme et ombrageux, illustré par des vidéos de la Forêt Noire allemande. Sa performance très poétique précède parfaitement celle de Tim Hecker, mais laisse une impression plutôt convenue.
SERENITE PAIENNE
Tim
Hecker clôturait la soirée avec un live mystique et aérien,
caractéristique de celui qui définit lui-même sa musique comme une
« fausse musique rituelle, une musique païenne ». Baigné
dans une lumière rose fuchsia, le britannique a déroulé ses nappes
hypnotiques devant une assistance concentrée, à certains égards
engourdie, par la musique sereine du compositeur canadien de musique
électronique.