JBLA: Belleville EP

Non, le titre de ce maxi n'est pas un hommage à Belleville, Michigan, fameuse banlieue de Detroit où Juan Atkins, Kevin Saunderson et Derrick May (AKA les "Belleville Three") ont posé les bases de la techno. C'est un hommage à notre Belleville à nous, ce paradis pour les chiens à 3 pattes, les adorateurs de Boeuf lôc lac et les revendeurs d'étoffe de troisième main.

De fait, le titre de ce Belleville EP aurait été soufflé à Stuart Argabright (leader d'Ike Yard et de Black Rain) et Julian Jöckel (alias Midnightopera) par les Parisiens d'adoption Ron Morelli et Svengalighost, qui n'en revenaient pas de la tristesse qu'ils pouvaient lire dans les yeux des prostituées chinoises du boulevard de la Villette. Agrémenté de réactions à chaud sur la série de suicides survenus dans les usines du géant chinois de la sous-traitance Foxconn et de bastons pépouzes au pied de l'immeuble où Argabright et Jöckel ont momentanément séjourné pendant une tournée européenne, ce Belleville EP ne donne donc pas à entendre la musique la plus ensoleillée de ces six derniers mois.

Mais il ne s'agit pas d'un bloc de charbon non plus. Plutôt un nuage de fumée, simultanément âcre et exquis à l'olfaction. Entre ambient rituel et post-indus indolent, les deux originaux enregistrés par le duo avec le groupe post-techno Different Fountains et les deux relectures grouillantes opérées par Morelli & Svengalighost et Vereker suggèrent plutôt une musique du doute, formellement écartelée entre trois ou quatre écoles contradictoires, dont le flou esthétique précisément prend en charge le fond d'anxiété moral et émotionnel. C'est très flou et très flippé, donc, plutôt qu'unilatéralement noir et flippant, et c'est pour ça que c'est addictif et fascinant. Les amateurs de "Black Rain, Vatican Shadow et L.I.E.S." comme ceux qui seraient charmés par le stream ci-dessous seront donc inspirés de se rendre illico sur le site de Desire pour s'en procurer un exemplaire.