On le dit peu, mais Pharrell Williams et Chad Hugo ont mis du temps à prouver qu’ils avaient raison de se croire meilleurs que les autres. Si leur premier groupe avec Timbaland en 90-91 s’appelait S.B.I pour « Surrounded by Idiots », les prods signées The Neptunes avant 99, année du Kaleidoscope de Kelis, sont loin d’être inoubliables. 


On peut même avancer que le vrai déclic a eu lieu en 2001 (dix ans après leurs débuts) avec "I'm a Slave 4 U" de Britney Spears, qui fait depuis office de manuel pour qui veut reproduire la « formule Neptunes » (y compris et surtout eux-mêmes) et la sortie du premier album de N.E.R.D, In Search of..., dans sa version « électronique » réservée au marché européen (la version « rock » mondiale étant parue en 2002, bizarrerie qui montre que leur bankabilité n’étaient pas encore consacrée). Depuis, il y a une coïncidence presque magique entre la pertinence de leurs prods et les hésitations projetées dans les albums de N.E.R.D. Ce « pop-funk-rock-rap-band » n’est pas juste le side-project récréatif où ils viennent bœufer pour se rappeler qu’ils sont de vrais musiciens, c’est aussi le labo où ils testent leurs idées, expérimentent leurs mélanges, prennent des risques rares pour des hitmakers multimillionnaires.

Britney Spears - I'm A Slave 4 U

A l’époque où ils inventaient le futur de la pop music en direct (disons jusqu’à 2006, année du Hell Hath No Fury de Clipse mais aussi du premier album solo déjà bien naze de Pharrell), ça donnait In Search Of... et Fly or Die, leurs Revolver et Sgt. Peppers à eux (ou leurs Thriller et Bad si la métaphore vous parle plus ou vous fait moins mal aux fesses). En 2008 et 2010, alors que le robinet mainstream avait fini d’intégrer leur marque, N.E.R.D était encore l’occasion de montrer qu’ils pouvaient douter – le laborieux Seeing Sounds et le plus réussi Nothing, qui, comme son nom le suggère, remplaçait un autre album foutu à la poubelle. Ce sont les termes du contrat qui nous lie aux Neptunes depuis que Lapdance a changé notre définition du cool (pour ne pas dire notre rapport au goût) et que respecte ce cinquième album. Ce qui, en ce qui me concerne, est suffisant pour raviver une certaine nostalgie, pas désagréable après 10 ans de désintérêt total – rien de plus louche que quelqu’un qui s’exclame qu’il est « happy », rien de plus en phase non plus avec notre époque autocentrée et enfantine. 

N.E.R.D. - Lapdance

03:36
 Cela ne veut pas dire que NO ONE EVER REALLY DIES est un très bon disque, mais c’est un disque qui essaye des choses, et peut donc se ramasser sans perdre la face. Preuve de la dissociation typique des Virginiens, les singles "Lemon" avec Rihanna et "1000" avec Future comptent parmi les plus fainéants (du Neptunes by the book), alors qu’une bonne moitié de l’album regorge d’idées, de chausse-trapes et de déviations – Rollinem 7’s avec Andre 3000, Kites avec Kendrick et M.I.A, ESP et surtout Deep Down Body Thurst, qui confirment leur étonnante appétence pour Gang Of Four et rejoignent la liste des beaux objets transitoires "nerdiens". Ceux qui ont fait qu’on les a tant aimés, et qu’on se prend à y croire encore un instant.