Il y a quelques jours, sortait A Brutal Game, projet ponctuel réunissant les digressions analogiques lo-fi de Fernando Seixlack aka Innsyter que l’on connaît déjà pour ses deux albums sur L.A Club Resource (le label de Delroy Edwards) et les déclamations torturées de December aka Tomas More que l’on connaît aussi très bien pour ses sorties sur quelques-uns des labels les plus intéressants du moment (Blackest Ever Black, Where To Now, et feu Jealous God).
Dans la confidentialité d’une cassette en série très limitée et d’un Bandcamp difficilement googlable (puisque le projet tient son nom d’un film de Jean-Claude Brisseau), ces huit courts morceaux post-punk aux accents à la fois noise, new beat, EBM autoritaire et acid house dévoilent une intention et un parti-pris touchants de spontanéité, loin des exigences modernes d’editing sans fin de la musique électronique, même, disons-le, quand elle se prétend un peu sale.
Intuition validée par December quand il nous raconte la genèse du projet : "Innsyter est un de ces nerds américains un peu comme Beau Wanzer qui passent des heures et des heures à enregistrer des boucles sur cassette. Il a donc des centaines et des centaines de trucs qui ne sortiront jamais et qui s’empilent chez lui. Ce sont des morceaux qu’il fait en quelques minutes, il branche juste ses machines et improvise. Ca faisait un moment que je voulais ne m’occuper que de la voix sur un projet. Fernando m’a donc envoyé plusieurs de ses morceaux enregistrés sur cassette et j’ai choisi mes préférés pour y poser ma voix. J’ai fait ça en quelques minutes aussi, le but c’était de sortir quelque chose de très brut."
Une telle manière de procéder qui porte déjà en elle sa charge d’engagement sinon de militantisme, ne pouvait se voir brimer par les étapes et les délais kafkaïens d’un pressage vinyle. C’est donc assez logiquement que A Brutal Game voit le jour sous la forme d’une cassette auto-produite vendue sur bandcamp, soit la voie de distribution matérielle de musique la plus rapide connue à ce jour. L’occasion ici est trop belle pour s’empêcher d’apporter un peu d’eau au moulin du débat sur "l’utilité" d’un format jugé par certains bien trop obsolète, souvent à partir du simple argument que les foyer ne sont plus équipés de lecteurs appropriés.
Loin des considérations matérialistes et utilitaristes, on voudrait plutôt dire ici que l’actualité et le droit de cité d’un format tel que la cassette résident aujourd’hui plutôt dans sa double dimension poétique et politique, puisqu’elle présente à la fois le charme du désuet et l’avantage pour des artistes et labels de diffuser rapidement et sans trop de frais la musique la plus nichée dans ses ambitions les plus anti-commerciales. En d’autres termes, on espère que tant qu’il existera des projets d’une radicale beauté comme A Brutal Game, la musique ne fera pas l’économie des bandes magnétiques.
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