La précédente réédition de Woo, parue sur Drag City il y a deux ans, s'appellait It's Cosy Inside et c'était très à propos. De mémoire de mélomane, impossible en effet de penser à un disque plus singulièrement et unilatéralement accueillant que le deuxième album des frères Ives.
Découvert par la presse anglaise à l'orée des années Thatcher, ce duo du South London proposait alors une alternative lumineuse et joviale à la tendance nihiliste en vogue chez les radicaux libres de la new wave, Throbbing Gristle ou l'underground Power Electronics: une fusion domestique et dénuée de toutes arrière-pensées de guitares acoustiques, de vents tâtonnants et de bidouilles de synthé Roland qui résistaient à toutes les classifications - un peu de Cluster ou d'Eno par-ci, un peu de Durutti Column ou de Penguin Café Orchestra par là - mais qui se distinguait surtout par sa clémence pour les sens et son aménité.
Feutrée sans être tout à fait planante, à la fois simple et constamment intrigante, la musique de Woo n'est surtout, en bout de course, pas dénuée d'ambiguités. Pour citer un article du Melody Maker publié à la sortie de leur premier album, en 1981, dans lequel Steve Sutherland s'étonnait qu'un groupe puisse se consacrer à l'aquarelle sur papier gros grain à une époque où la plupart des groupes s'exprimaient par le graffiti urbain, Mark Ives répondait: "C'est notre réponse. C'est un moment idéal pour choisir la lumière. Tout est triste, j'en suis conscient, mais il y a quelque chose de plus grand qui sourd derrière, et si jamais tu arrives à te mettre en relation avec ça... POW! Peut-être qu'avec notre musique, nous miroitons quelque chose, Dieu ou quelque soit son équivalent selon la terminologie de chacun".
Deux ans après avoir fait découvrir la musique du duo aux mélomanes qui ne l'avaient pas déjà fait via le blog Mutant Sounds, Drag City remet donc le couvert avec When the Past Arrives, anthologie d'inédits enregistrés sur trois décennies (des années 70 aux années 90) qui constitue leur première sortie officielle depuis 1991. Sans surprise, le premier extrait qu'on peut écouter est à la fois feutré et poignant; sans surprise surtout, il ne ressemble à rien de tout à fait connu dans les sphères indie, new age ou expérimentale, préférant voguer fièrement dans une mer de flou et de coton.
C'est, encore une fois, tout à leur honneur. Pour citer un autre Ives qui révolutionna ostensiblement la musique en d'autres lieux, d'autres temps: "Vagueness is at times an indication of nearness to a perfect truth." (L'imprécision est, parfois, le signe que l'on s'approche de la plus parfaite des vérités).
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