Il a dû se passer quelque chose dans la vie de Dan Snaith entre 2010 et 2014. Forcément, sinon comment le Canadien aurait-t-il bien pu passer d'un seul coup d'une suite de coups gagnants et de pieds de nez adressés à la cohésion (en sortant des disques d'autant plus effrontément dispersés qu'ils se distinguaient tous par leur brillance) à une musique un peu tristoune, un peu inodore, plus à même selon nous de passer dans les magasins Chevigon qu'à flatter dans le sens du poil les mélomanes de tous bords ?
Il y a deux ans, l'album Our Love faisait tellement mal à notre petit cœur de fan de Caribou qu'on s'est demandé si c'était la même personne qui avait pondu pendant près d'une décennie une collection d'albums tous plus disparates, croustillants et bariolés les uns que les autres. Le succès ? Alors oui, effectivement, en 2010, Dan Snaith rencontrait une popularité inespérée avec l'album Swim, s'attirant les louanges de la presse spécialisée tout autant que les lauriers des festivaliers en tongs, et a donc voulu avec l'album suivant, comme il l'a dit lui-même, "rendre l'amour qu'il avait reçu". Il n'empêche, cet "amour" (ou autre chose, d'ailleurs en fait ce n'est pas mon problème) l'a définitivement fait virer du côté Birkenstock du psychédélisme, et a achevé de rendre sa musique impersonnelle, diluée par la volonté de s'adresser à absolument tout le monde.
Ce qui rend la collection d'inédits de Caribou pré-2014 en écoute ci-dessous (et balancée gratuitement sur Bandcamp par l'intéressé lui-même) d'autant plus précieuse, pertinente et rageante à la fois. Elle permet de mesurer à quel point la musique de Dan Snaith (on ne parle pas de son projet house Daphni, toujours au top) a été un temps une suite de fusées envoyées à la face du monde, bardées de fuzz, d'electronica racée, de relecture du krautrock avec les outils électroniques (et avant que le genre ne soit réinvesti - ou dévoyé, c'est selon - par à peu près tout le monde), de jams psych prog remplis de flûtes, de bols tibétains et d'agitation, et qui mettaient à l'amende sans en avoir l'air une bonne partie de la concurrence, tranquillement dans leur coin. On en fait peut-être des caisses, après tout il n'y a pas mort d'homme, mais si vous pouviez vous (re)plonger dans la musique de Caribou, là, tout de suite, on pense que ça pourrait faire du bien à pas mal de monde.
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