Du fossé toujours mystérieux qui sépare les bons disques techno et les triviaux, ceux dont chaque placement de cymbale vous prend aux tripes et ceux dont chaque coup de kick a l'air un peu plus banal que le précédent.
Pour une raison qui nous échappe plutôt, les albums qui paraissent sur Ostgut Ton nous semblent par exemple tous émerger d'un endroit de soif et de passion plutôt que de ce lounge d'aéroport vulgaire et mal décoré où les DJs pressés bricolent à la va-vite des kilomètres de tech-house sans vie pour vendre leurs services un peu plus cher aux boîtes de nuit. La faute au Berghain et au Panorama Bar, ce double haut-lieu devenu iconique de la dance qu'on prend au sérieux et dont le label est une émanation? Ou serait-ce que ses moines-soldats Marcel Dettmann et Ben Klock prennent effectivement tellement à coeur l'objet techno que leurs disques nous mettent à terre jusque dans leur dogme et leur sévérité? Une chose est sûre, le fabuleux One de Ben Klock rend tous les disques qui sortent sur Ostgut Ton un peu meilleurs qu'ils ne le sont en vérité. Mais du moment qu'un maxi fait battre le coeur un peu plus vite, on se fiche bien de savoir s'il faut mettre en cause la joliesse des nappes ou la couleur du macaron.
Le cas des disques de Sam Barker et Andreas "ND" Baumecker est assez emblématique de cette histoire: les gars ont beau bricoler dans le milieu depuis un moment (Barker dirige le label Leisure Systems et Baumecker, vétéran à Francfort, est actuellement résident au Berghain et aux manettes de Freudinnen), leurs maxis brillent moins par leurs singularités formelles qu'une envie de bien faire à la limite de l'obséquiosité. Coincés entre les machins trancey surproduits de Stephan Bodzin et les machineries compliquées et pas très sexy de l'IDM anglaise, Candyflip et A Murder of Crows (rappel ci-dessous) ressemblent presque à de la house pour et par les garçons de l'electronica, trop mentale, crâneuse et calculée pour les amateurs de techno de la rue, pure et racée.
Dès son ouverture, leur Transsektoral qui sort sur Ostgut à la rentrée sublime pourtant ce penchant premier de la classe: tout est toujours surproduit, ça s'éparpille de 808 State à la deep techno cubiste et ça a l'air de militer pour ce Grand Décloisonnement tristoune qui confond les catalogues Transmat, Rephlex et DFA, mais ça se tient avec une énergie et un esprit de clan qui emballe et étonne en permanence. On ne sait bien sûr si c'est le coeur amateur de Detroit ou celui nostalgique des sorties Schematic qui nous fait aimer ces belles matières sablonneuses, mais le fait est qu'elles font tout de suite sortir l'album de la pile.
Exemple falgrant avec l'inédit Analogical, qui n'est pas sur Transsektoral mais qui se télécharge en son honneur, et qui aurait autant pu sortir sur Border Community que sur Pan-Act ou Planet-Mu: on ne sait pas trop s'il faut danser ou décortiquer la métrique des mesures qui s'emballent, mais on trouve ça super beau et super incarné.
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