John Maus et Ariel Pink se retrouvent sous les feux des projecteurs quasiment en même temps par un hasard de calendrier. Le premier, ermite freak, sort de sa retraite universitaire avec Screen Memories, son premier long format depuis We Must Become The Pitiless Censors Of Ourselves en 2011 (on vous en reparle cette semaine). Le second prolifique mais toujours aussi ingérable, remis d'à peu près tout (même les duos avec Soko), a sorti après l'été le très réussi "Tribute to Bobby Jameson". 


Ces deux potes de jeunesse, qui se sont rencontrés à la mythique école Cal Arts (fréquentée en leurs temps par Tim Burton ou Mike Kelley) sont les deux faces d'une même pièce. Face : Ariel Pink, le gentil leprechaun lunaire et funk. Pile: John Maus, prédicateur coldwave d'un monde qui court à sa perte. Ils ont en commun une certaine folie expérimentale et destructrice, toujours sur la frange de la pop et des tentations radiophoniques. Le culte autour de leurs personnes/personnages n'a jamais été aussi fort qu'en cette rentrée musicale 2017, qu'ils viennent mine de rien de sauver du marasme. Retour sur quelques pierres angulaires de leur(s) musique(s). 

TONETTA

On ne sait pas grand chose sur Tonetta, rencontre improbable de Iggy Pop et Hans Bellmer. Tony, de son vrai nom aurait une cinquantaine d'années et vivrait en banlieue de Toronto. Il y a quelques années, il a commencé à poster en ligne ces étranges morceaux de funk lo-fi synthétique accompagnés de vidéos crypto sexy. La vraie fascination vient de leur accumulation et des visions enchaînées de ces chorégraphies, à distance égale du rire et de l'angoisse. 

TONETTA - Pressure Zone

03:02

ORCHESTRAL MANOEUVRES IN THE DARK

Difficile de chercher la paternité de la musique de Maus sans parler d'OMD. Et cette capacité à faire cohabiter sur le même album singles pop et ambiances étranges a très certainement marqué au fer rouge notre ami aux chemises trempées de sueur.

ALAIN KAN

Fier représentant d'une certaine vision du glam rock hexagonal, Alain Kan restera à jamais un mystère. Ce vrai punk qui revendiquait son homosexualité et sa toxicomanie en plein milieu des années 80 mania le scandale avec la grâce de ceux qui ne resteront pas entier bien longtemps. Il disparut un matin du début des années 90 dans le métro parisien pour ne plus jamais montrer le bout de son nez. Restent les disques...

ALAIN KAN - Devine qui vient dîner ce soir

RICK JAMES

Cramé notoire, James a cultivé jusqu'à la fin de sa vie ses frasques autant qu'une addiction à la coke impressionnante (on parlait de 10 000 $ par semaine). Plus que la face funk radio qui fit sa célébrité, on retrouve des traces (sans mauvais jeu de mots) de son héritage chez Pink et Maus dans ses balades synthétiques, moins connues et terriblement vénéneuses. 

Rick James - Three Ladies Rare Unreleased R&B Ballad

GERMAN SHEPERDS

Groupe culte de la scène synth punk américaine, German Sheperds (oui oui comme la race de chiens sympas) s'est formé en 1981 du côté de San Francisco. Ils ont eu paraît-il la bonne idée de se faire passer pour des repris de justice ayant agressé des enfants pour promouvoir leur groupe (les temps changent hein). Leur musique sonne comme une version sado-maso de l'indus 80's : glauque, sale et terriblement froid pour le coup. 

German Shepherds - I Adore You

GARY NUMAN

"Dedicated to Bobby Jameson" fait beaucoup penser au Gary Numan de la fin des années 70. C'est celui notamment de l'album The Pleasure Principle qui vient propulser la rencontre de l'electro pop de Kraftwerk et des cendres du glam rock dans les charts anglais. 

IKE YARD

No Wave sans guitares ou Suicide sans les tubes, Ike Yard est un bout d'histoire de l'avant garde new yorkaise. Pour la petite histoire c'est aussi le premier groupe américain signé chez Factory.

GARY WILSON & R STEVIE MOORE

Pink est un infatigable songwriter et il y a fort à parier que cette boulimie de morceaux est à chercher quelque part dans son amour sincère pour l'oeuvre de R Stevie Moore, pape de la musique lofi et pionnier des home videos foireuses qui ont ouvert à la voie à un paquet de gens qui sont passés à la caisse avec plus de succès que lui (Harmony Korine ou Spike Jonze en tête). Leur disque collaboratif Ku Klux Glam est l'expression touchante d'une filiation artistique sincère (les festivaliers de Villette Sonique s'en rappellent). Gary Wilson et son funk rock diabolique enroulé dans le papier toilette est un autre père spirituel de Pink, auquel on pourrait ajouter Kim Fowley qui a co-signé des morceaux sur son album précédent Pom Pom. Gary Wilson et R Stevie Moore ont aussi un projet en commun. Une jolie famille en somme. 

gary wilson - you think you really know me (full album)

BOYD RICE & DEATH IN JUNE

Le scandale colle aux fesses d'Ariel Pink et chauffent celles de John Maus (accusé plus ou moins de cautionner l'Alt Right US). Il ne fait pas bon être perché ces temps ci et il va bien falloir réfléchir à comment manier la provocation. N'en reste pas moins qu'en terme de musique sombre, difficile de passer outre l'influence de la voix grave de Boyd Rice. Quant à ses choix vestimentaires, ça reste un autre sujet...

Scorpion Wind (Death in June & Boyd Rice) - Never

JOSQUIN DES PRES

Vous vous demandiez où John Maus avait été chercher cette belle dramaturgie et ces vocalises divines? Eh bien probablement dans l'oeuvre d'un compositeur franco-flamand du XVème siècle. Pour ceux qui ne croient que ce qu'ils voient (Saint Thomas si tu nous lis) ça se passe en dessous. 

Josquin des Prez - Agnus Dei III

MENTION SPECIALE "homme de l'ombre/meilleur pote": HOLY SHIT

Matt Fishbeck a été l'aimant autour de talents bruts qui ont à un moment ou un autre joué dans son groupe Holy Shit: John Maus, Ariel Pink, Christopher Owens, Geneva Jaccuzzi en font partie. Toujours le cul entre foutage de gueule intégral et songwriting pop parfait, il a en tous cas montré la voie à ceux qu'il côtoyait. Celui par qui tout a commencé.