Entre trois-quatre menaces de mort et un Grand prix du jury à Cannes en 2008 pour l'adaptation de son best seller Gomorra par Matteo Garonne (également primé cette année), l'écrivain et journaliste Roberto Saviano continue de s'intéresser à la Camorra d'aussi près que sa protection policière le permet. Dans un récent article paru dans la Repubblica, il nous fait découvrir ces artistes napolitains qui chantent la vie de leur principal public : les camorristes. Trois heures passées sur Youtube plus tard, on vous a dégoté de jolis clips, et regretté de ne pas avoir choisi Italien en LV3.

On les appelle les chanteurs néomélodiques (neomelodici en italien). Sous la coquille italo-variétoche, leurs textes décrivent le quotidien de la mafia. A la limite de l'apologie, ces chansons se portent témoins de la vie à Naples, entre violence et misère. Les membres de la pègre, hommes en cavale et femmes de fugitifs y sont sacralisés et les valeurs de la Camorra sont vantées : loyauté, courage et amour de la famille et du clan. Sévissant sérieusement depuis une quinzaine d'années, cette musique a trusté les radios locales allant jusqu'à coiffer au poteau les sempiternels gominés chanteurs d'amour.

La meilleure façon de découvrir la chose est de regarder les clips. D'un amateurisme presque touchant, leurs montages maladroits sont un peu tous calquées sur le même modèle. Aux scènes narratives s'alternent des plans sur des chanteurs aux coupes de kékés, portant des tenues improbables, et faisant des mimiques assez inestimables. Vous verrez souvent des numéros de téléphone : c'est pour contacter un agent et voir une star de la musique napolitaine pousser la chansonnette au baptême de votre petit Giorgio, moyennant gros cachet. On vous a sélectionné quelques vidéos, mais si vous avez du temps devant vous et un traducteur à portée de main, n'hésitez pas à vous laisser porter par les suggestions YouTube, vous tenez là des témoignages comme on en voit peu sur le sujet.

Gino Ferrante : "A Societa'"
Abstraction faite de l'intro musicale et du petit extrait des Black Eyed Peas, vous avez là toute l'imagerie de la mafia italienne : reglément de compte dans une pizzeria, poignées de mains fraternelles, virées en scooter et signes de croix.

Nello Liberti : "'O Capoclan"
Au coeur  d'un véritable petit scandale, ce morceau est passé sous le couperet de la loi : "incitation à la délinquance"  pour ses paroles qui disent que "le chef de clan est un homme sérieux, il ne mérite pas sa mauvaise réputation". Qu'à cela ne tienne, ils ont reposté la vidéo sur YouTube en la précédant d'une citation d'un article de la Constitution italienne garantissant la liberté d'expression. 


Lisa Castaldi : "Femmena d'Onore"
Quelques grammes de finesse dans toute cette testostéronne, quelques chanteuses néomélodiques font également le portrait tragique de leur vie de femmes de fugitifs, qui doivent élever enfants et laver l'honneur de leurs maris.

Même les gamins s'y mettent. Parmi eux, il y a le chouchou Giuseppe Junior qui, dans "Carcere", est à la prison pour mineur, et pense très fort à sa maman et à ses copains.

Il y a un documentaire sur le business de la musique néomélodique. Ca a l'air très intéressant, malheureusement tout est en italien, mais peut être que vous pourrez y comprendre quelque chose.