Sounds Of Silence: The Most Intriguing Silences In Recording History !

Ça veut dire quoi, enregistrer le silence? Vous l'aurez compris à la lecture du titre de l'anthologie qu'on vous sert ici, il y a paradoxe sous roche.

Au détout d'un article sur autre chose, on vous a déjà glissés quelques mots sur la fameuse partition vide de John Cage, ces quatre minutes et trente-trois secondes de faux rien qui, performées devant un auditoire, offrent en fait à entendre les sons de son environnement, amplifiés par la position d'écoute en attente. Et qui proposent autant une critique de la marchandise pop et de "l'étalage de notes à tout prix" qu'elles retournent le geste musical comme un gant : le faux ready-made à la Duchamp ou la musique concrète sans le magnétophone.

Entre "le performatif, le politique, la critique, l’abstraction, le poétique, le cynisme, l’absurde ou ou la blague", le non-geste qui mime le silence musical, c'est le pivot essentiel du 20ème siècle dont j'avoue avoir un peu la flemme de vous refaire l'histoire mais autour duquel tourne bien sûr tout le modernisme d'après-guerre : le mouvement Fluxus, les recherches d'Yves Klein et sa symphonie Symphonie Monoton Silence, le cinéma sans images de Guy Debord ou, plus près de nous, l'extrêmiste zen B ernhard Günter et Sylvain Chauveau qui enregistre depuis juin dernier une piste silencieuse de sept ans.

Avec son titre en forme de paradoxe clé en main, Sounds of Silence est une compilation d'une étonnante diversité (et, croyez-le ou non, c'est la dernière d'une longue lignée). Née d'une exposition de trois artistes/chercheurs des musiques expérimentales (Mathieu Saladin, Patrice Caillet et David Adam) qui présentaientt en début d'année un "jukebox de silence" en référence à la culture pop, elle donne à entendre beaucoup plus de choses qu'on pourrait le croire au premier abord. Les morceaux choisis sont des pièces étranges, absurdes ou sensées, disposées ici et là dans des albums célèbres de la culture pop - Andy Warhol, Soulfly, John Lennon et Yoko Ono - et d'enregistrements classiques ou moins connus (Robert Wyatt, Yves Klein...). Tous intrigants, effectivement. Car l'important, c'est que chaque titre de vide, nommé, calibré, marchandisé exige en quelque sorte d'être entendu. Et que chacun d'entre eux ait malgré tout un son unique, un léger bourdonnement renvoyant à une matérialité, à une historicité propre et, en quelque sorte, à une existence sensible du néant. Le vinyle est copié à 500 exemplaire chez les italiens d'Alga Marghen, qui vous invitent naturellement à écouter tout ça très fort.