Trois vagues de hype et de réédition successives dans les pattes, on pourrait croire que le post-punk et la no wave historiques new-yorkais sont une affaire pliée pour n'importe quel pékin qui traine un peu sur Discogs ou qui suit de près ou de loin les nombreuses rééditions du genre comme les compilations Soul Jazz Records (la série des New York Noise notamment, entamée en 2003). Même si nous ne pouvons que saluer la démarche d'exhumation d'une musique et d'une période en tous points essentielles dans l'idée de contre-culture dans le rock, on peut tout de même s'interroger sur le caractère désormais établi (aujourd'hui, tout le monde ou presque se réclame de ces sonorités-là) d'une musique à l'origine aussi profondément ancrée dans un postulat de dissension. Mais peut-on vraiment se plaindre ? Lorsque l'on écoute aujourd'hui les saillies de Theoretical Girls, DNA ou Teenage Jesus & The Jerks, on ne peut s'empêcher de constater que ces monceaux de bile triomphante ont remarquablement passé l'épreuve du temps, même si elles s'entendent surtout dans les vernissages chez Agnès B. Ce n'est ni dommage, ni scandaleux, c'est juste comme ça.
Contortions - Buy (Full Album)
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Bien qu'ayant été l'un des piliers de la no wave new-yorkaise de la fin des années 70, le cas James Chance/James White est tout de même un peu à part. Rare cas de la scène de l'époque à pouvoir se targuer d'être un "musicien aguerri" en maîtrise de ses instruments (surtout le saxophone, mais aussi le clavier), ce natif du Milwaukee ne se plaçait pas, à l'inverse de ses petits camarades, dans une démarche de nihilisme pur, mais plutôt dans une forme d'entertainment dégénéré,
d'imitation malade de James Brown, ajoutée à la relecture d'Albert Ayler la plus blanche qui puisse exister (et qui, à ce titre, a peut-être cristallisé plus que quiconque tout le problème de l'appropriation culturelle dans le rock, mais c'est un autre débat).
Ce qu'on retient, aujourd'hui, ce sont avant tout des morceaux phénoménaux, qui nous font dire que la négation de tout n'a jamais eu autant de groove. La grande période James Chance n'aura duré qu'un temps restreint, même si lui sera resté dans le circuit de nombreuses années. Cette réédition permet donc de saisir une musique, tout autant qu'un moment, rares et précieux, et qui auront d'autant plus brillé par leur fugacité. Si les propositions de James Chance résonnent plus que celles de James White (son alter ego disco tout feu tout cuivre, moins anguleux, plus rond, globalement un petit peu moins fascinant), la mise en parallèle des deux entités permet aujourd'hui de saisir la complexité et la singularité de son parcours, et le rapport tumultueux, à la fois déférent et antagoniste, qu'il aura entretenu avec tout un pan de la musique noire américaine.
Tout ça sera disponible en magasins de disque début janvier.
Plus d'infos sur le site de ZE.