Le premier réflexe que l'on a à l'écoute d'"Isorythmia", c'est de penser à une avalanche de vieux trucs. Le titre nous ramène très loin dans le passé de la musique occidentale, les ressacs synthétiques ourlés de spectres dissonants évoquent les grandes heures de l'ambient post-industriel (surtout l'axe britannique qui va de Chris Carter à Hafler Trio et Zoviet France) et le soin maniaque apporté à la consignation sonore de l'événement (le disque est disponible exclusivement en CD) nous renvoie tout droit à l'âge d'or du "click'n'cuts", à la fin des années 90, quand Mille Plateaux, Raster-Noton ou Mego faisaient office de tête de proue à toute une génération de bricoleurs de boucan plus ou moins inspirés.

Pourtant, Yves de Mey a sorti un album sur Sandwell District et un maxi sur  Opal Tapes, et sa manière de faire de la "techno" (sombre, organique, technologiquement tourmentée) est souvent citée dans les médias spécialisés comme une quintessence esthétique des années 2010. Doit-on à nouveau pousser des cries d'orfraie et en conclure que l'un des courants les plus représentativement nouveaux de notre temps ne serait qu'un amas de bouts de trucs anciens?  

La vérité, c'est qu'à l'instar de son camarade Peter Van Hoesen (qui co-dirige le label Archives Intérieures et co-anime avec lui le duo Sendai, dont on vous parlait ici) ce sound-designer surdoué a effectivement fait ses premières armes sous le nom d'Eavesdropper à l'âge d'or de l'electronica expérimentale sur Line (label emblématique s'il en est de l'école ultra-minimale de l'electronica) et Foton, premier label de Van Hoesen au temps du glitch et des performances impromptues dans les galeries.  

La vérité surtout c'est que la musique de matières en séquences qu'on entend tout au long de Frisson est très très belle et très concluante même - surtout - sans aucun contexte pour l'entourer. Frisson s'achète en cd, par exemple là.