La nouvelle qui justifie l'existence de ce billet, c'est le fait que Vladislav Delay vient de mettre lui-même son back-catalogue à disposition des acheteurs de musique digitale pour diverses raisons pratiques et économiques alors qu'il faisait partie, à l'instar d'Atom TM, des irreductibles qui refusaient encore de participer à la mutation virtuelle de l'industrie phonographique; le propos caché de la notule, c'est de vous parler en toute subjectivité de ce que l'auteur de ces lignes considère encore, douze ans après sa première parution sur Chain Reaction, comme l'un des plus grands morceaux de l'histoire de la house européenne.
Pièce maîtresse de Multila, premier disque décemment distribué du producteur finlandais (son premier, Ele, était paru sur le label néo-zélandais Sigma Editions, et je peux vous dire qu'en 1999, il était coton à récupérer), "Huone" est un monstre sur tous les plans. Par sa longueur, déjà; par sa nature protéiforme, ensuite, qui agrège miraculeusement des monceaux d'oripeaux, de matières et de patterns tombé de treize ou quatorze sous-écoles de la musique électronique de l'époque qui vont de l'ambient hardcore à la house du New-Jersey; pour son incroyable habilité sonique et polyrythmique, enfin, qui tient l'auditeur-danseur sur le fil du rasoir et au bord du chaos pendant 22 minutes incroyablement agiles, subtiles, sauvages et funky.
Présenté par les médias spécialisés de l'époque (c'est-à-dire The Wire ou Octopus) comme un hybride spontané entre Pan Sonic, Maurizio et Todd Terry, Sasu Ripatti posait teint livide, crâne rasé et anneau à l'oreille et envisageait d'arrêter la musique à cause de la déréliction inexorable de son PC (dont les défauts techniques expliqueraient en partie le grain sonore incroyable de Multila) et de son manque de capitaux pour en racheter un nouveau. 12 ans plus tard et une trentaine d'albums plus tard, force est de constater que le Finlandais se moquait un peu de nous; mais quelque chose dans l'urgence, la passion, la pertinence de cette oeuvre de jeunesse nous fait penser qu'il y croyait forcément un peu.
Multila est disponible sur le shop Bandcamp très complet de Vladislav Delay. On conseille aux néophytes qui souhaiteraient creuser leur découverte de son oeuvre de s'attarder sur Vocal City, le premier album de son projet garage Luomo, également paru en 2000 sur Forcetracks, et bien sûr sur Visa, monstre ambient qui vient de sortir sur Ripatti Records.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.