"Ô album de musique électronique, combien de crimes ont été commis en ton nom?" Voilà sans doute la phrase que j'ai eu envie d'écrire le plus dans ma vie de plumitif spécialisé pop. Et en haut de la liste des crimes ignominieux commis envers l'art musical par les producteurs de house ou de techno, juste avant l'album "electro jazz" et juste après le disque de techno "adulte" avec un orchestre philarmonique, il y a l'album crossover avec des chanteurs. Il fut même une époque (autour de 1997, 1998) où c'était l'accident le plus répandu dans l'industrie. On pardonne bien sûr aux pionniers de l'exercice puisque le problème était alors avant tout structurel: largement aliénante dans leur facture et dans les modes d'écoutes qu'elles trimballaient avec elles, la house, la techno et toutes leur descendances étaient encore obligées d'enfiler les vieux habits de la pop pour se faire accepter par l'establishment et les bailleurs de fonds.
Douze ou treize ans et une bonne poignée de chefs d'oeuvres monomaniaques montés tout en haut des charts plus tard (citons Consumed, Homework ou Untrue), ce n'est plus la même histoire: plus question d'accorder aux producteurs de dance un quelconque rab' de mansuétude, soit ils savent écrire des chansons soit ils savent pas (et s'ils savent pas, c'est le même échafaud que pour leurs cousins folkeux à barbe ou chanteurs de charme). Représentant fiérot de l'école "rock mais pas trop" de la musique électronique française (on y glisse aussi dedans tout ce que mixe son pote Ivan Smagghe et tout ce que font Danton Eeprom, David Shaw, Cosmo Vitelli et Bot'Ox), Tim Paris a choisi pour son premier album solo de "relier les points entre l'indie dance, le post punk, l'electro et la house", c'est-à-dire de foncer droit dans piège. Fatalement, son album est plein de chanteurs et de chanteuses (l'Allemand Georg Levin, la Néozélandaise Coco Solid, Ben Shemie de Suuns...), de mélodies et de simili-chansons; formellement, il se pose exactement au milieu du Triangle des Bermudes dénoncé dans les premières lignes de cet article.
Sauf que, sauf que; Tim Paris s'en sort exactement par là où il devrait s'en sortir, c'est-à-dire en en écrivant des bonnes, de simili-chansons. Elevé à l'école Weatherall du rock électronique, le Parisien use et abuse bien sûr des snares rock, des basslines en staccato et des nuages mélodiques à la New Order et ses chanteurs ont tous l'air de sortir d'une répét' avec Yo La Tengo. Mais comme dans les bidules de Weatherall ou, plus près de nous, l'album de ce satané Daniel Avery, on sent surtout dans les morceaux et les chansons Dancers une vraie, grosse nécessité d'exister, qui vibre très fort entre la prod finaude et l'avalanche de références. En 2013, c'est rare et c'est à souligner. Ne passez pas à côté.
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