Pas la peine d'en rajouter sur Industry et PRESETS – digital shortcuts to sound, l'album et le livre que Stefan Goldmann consacre aux presets de synthés. On vous a déjà dit tout le bien qu'on en pensait ici et Goldmann lui-même nous dit tout et bien plus encore sur le sujet dans cette longue interview publiée il y a deux jours. En guise de bonus hardcore, nous avons tout de même demandé au producteur allemand de nous présenter ses presets préférés sur le Korg Triton et le Yamaha TG33, deux vilaines stations de travail qu'il a extensivement utilisé pour élaborer Industry.
Korg Triton
1. D002 Raggae Gtr Hit
Beaucoup de presets sont considérés fonctionner seulement dans un éventail limité d'octaves. Mais si on les utilise dans les extrêmes aigus ou des extrêmes graves, leur caractère change en quelque chose de très différent. Souvent, ce quelque chose est bien plus intrigant, puisqu'il quitte la zone de confort de ce qu'il est supposé être. De même si l'on joue des sons courts comme s'ils étaient longs et inversement. Ce son là est supposé être une sorte de guitare funky décalée, mais il produit des textures rythmiques très intéressantes si on le joue avec des notes très courtes, ou en accords profonds dans les graves.
2. A000 Noisy Stabber
C'est le son par défaut quand on allume l'instrument. De manière intéressante, c'est un son très électronique. Il me semble que le Korg Triton n'a pas été beaucoup utilisé en techno - c'est donc très surprenant que Korg ait choisi ce son comme "première impression" pour accueillir l'utilisateur. Comme le précédent, c'est un son très changeant selon les hauteurs et les l'endroit où on l'utilise sur le clavier. Il fonctionne en accords, en basslines, en pèches. Quand on y pense, ça fait beaucoup de directions possibles pour un seul son. Beaucoup de sons analogiques sont bien moins multidimensionnels en comparaison.
3. B020 Processed Kit
Les kits de batterie de ce synthé sont très sympas à utiliser - il doit y avoir 80 sons par banque que tu peux utiliser directement en jouant des patterns sur le clavier. J'aime particulièrement les sons de toms. Du pur fun!
Yamaha TG33
1. "P1 15 SP*Ice"
Le TG 33 propose une variation de la synthèse FM de Yamaha, en la mélangant avec des échantillons sur mémoire ROM. Yahama appelait ça la "synthèse Vector". Une caractéristique essentielle consiste dans la superposition de quatre couches de sons - deux FM et deux ROM. Et ces couches peuvent être manipulées indépendemment (volume, accordage, enveloppe) ce qui permet un grand éventail de contrastes intéressants. Dans le preset "SP*Ice", l'une des couches oscille de l'aigu vers le grave, et les autres sont accordées sur des octaves différentes. Les enveloppes également sont différentes les unes des autres, ce qui fait que les couches apparaissent en disparaissent en fondu à des vitesses différentes. Le rendu est très riche, et il suffit de jouer trois ou quatre notes en même temps.
2. "P1 11 SP*Pro33"
Un son de type "brass" (cuivres) dans lequel les couches individuelles s'accordent et se désaccordent selon des cycles différents les uns des autres. C'est un son qui sonne très chaud à mes oreilles - exactement le contraidre de ce qu'on attendrait d'un son "froid", synthétisé numériquement.
3. "P1 35 SC*Drops"
Un son qui a l'air "pincé" et étouffé, mais son caractère FM le rend froid et artificiel en même temps. Les sons FM les moins aggressifs sont très caractéristiques de l'IDM des débuts, mais aussi de toute un part du sound-design le plus "technique". Monolake, par exemple, a fait un usage extensif du
Yamaha SY77 - qui est, en gros, un autre synthé Vector, mais Yahama préférait le vendre comme un synthétiseur "RCM" (pour "real time convolution and modulation". L'extrait ci-dessous est un exemple brut du preset - qui n'a rien de très spécial tout seul. Mais combiné à un reverb très colorée comme celle de la firme
Eventide (qui incluent des réglages de modulation de hauteur), on obtien des lignes mélodiques "sphériques" très proches des moments les plus lyriques d'Autechre.
"P1 77 SP*Arkle"
Ce que vous pouvez entendre ci-dessous est le résultat de deux notes jouées en même temps, pas une de plus. Parfois, les presets contiennent beaucoup de mouvement et peuvent sonner très "expérimentaux" en jouant plusieurs notes en même temps - ce qui est un détournement total de ce pour quoi ils ont été conçus. Les gens ont tellement de clichés en tête quand on leur demande ce qu'ils considèrent être "expérimental", d'avant-garde, complexe ou futuriste... Parfois, il suffit de jouer un preset vieux de vingt ou trente ans pour leur faire croire qu'ils entendent la musique du futur.