"Methane Sea" est exactement genre de perle susceptible d'être entendue entre quatre et cinq heures du matin sur Dream Machine, la chaîne dédiée aux bandes originales de la radio culte de La Haye Intergalactic FM. Mais pour écouter une version décente de ce petit bout d'histoire de la musique électronique, il n'y avait guère que deux solutions : rester l'oreille pendue à la chaîne toute la nuit avec des allumettes devant les yeux pour tenir éveillé, ou être l'un de ces esthètes bargeots qui déboursent six cent euros sur Discogs pour son acquisition. Jusqu'à ce que Spanish Mission, label dédié à la réédition des "racines de la musique électronique", annonce le repressage de 100 copies du mythique 45 tours.
"Mythique" : une fois n'est pas coutume, le mot n'est pas usurpé. Initialement éditée en 1978, cette bande-originale de film obscur nous ramène aux débuts de Richard Davis, avant qu'il ne se lance avec le succès que l'on sait dans l'aventure boogie / proto-techno Cybotron avec son disciple d'alors, Juan Atkins. Le morceau-titre est rentré dans l'histoire grâce à The Electrifying Mojo, animateur de l'émission séminale Midnight Funk Association entre 1977 et 1985 qui eut la bonne idée de l'utiliser comme préambule à ses folies science-fictionnelles.
Sur la doublure du disque, un texte explique le contexte plus ou moins connu dans lequel ces deux morceaux étranges ont été enregistré : vétéran de la guerre du Vietnam, Davis souffrait d'un PTSD sévère et se montrait très sensible les horreurs quotidiennes de l'actualité. Il fut particulièrement affecté par l'explosion de violence du massacre de Jonestown en Guyane, qui éclata deux jours avant l'enregistrement. On ne s'étonnera donc pas que le "Prelude" ci-dessous évoque plus volontiers le paysage désolé d'un film post-apo italien que le futur glorieux d'une race humaine qui aurait enfin appris à mettre la technologie au service de la justice et du bien commun. 1978, c'est l'année du Vendredi noir et du Deuxième choc pétrolier. Ce petit 45 tours nous replonge dans l'atmosphère étrangement intense de cette période difficile à comprendre depuis 2016 comme on plongerait la tête dans une flaque de mazout, et nous propose en quelque sorte de réévaluer 30 ans de productions musicales à Detroit à son aune étonnante.
Vous pouvez écouter la face A de l'EP ci-dessous et le commander sur Phonica records.
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