Avant de devenir le producteur préféré des vieilles gloires du rap des années 90 et de se faire sampler par Jay-Z, Adrian Younge a fait comme tout le monde: il a regardé Yo! Mtv Raps et essayé de faire comme RZA et DJ Premier avec une MPC 2000 et un enregistreur 8-pistes. Il a ensuite échangé le tout contre des claviers et un drumkit, écouté de la vieille soul, des B.O. de Morricone et plein d'autres choses (Idris Mohammad, King Crimson et Linda Perhacs notamment), s'est demmerdé pour signer la B.O. d'un nanar Blaxploitation devenu instantanément culte et a traîné en studio ce qu'il reste des Delfonics, fleuron de la soul de Philadelphie pompé par tout le rap américain.
Après avoir offert à Ghostface du Wu-Tang son meilleur album depuis 2000, Younge est allé chercher les Californiens Souls of Mischief, qui depuis 20 ans sont écrasés par le poids de leur chef d'oeuvre 93' Til Infinity (que certains snobs – dont nous sommes – placent très haut dans la liste des classiques sortis la même année). Quelque part entre le hip-hop positif et laid-back des Native Tongues (à New York) et le battle-rap alambiqué du Project Blowed (à L.A.), le premier album des quatre d'Oakland a un statut à part. Si les boucles et les samples sont sensiblement les mêmes que chez De La Soul ou Freestyle Fellowship et les beats des variations sur des formules déjà connues, le rap d'A-Plus et ses potes de lycée apparaît encore aujourd'hui comme une synthèse inédite.
Il n'y a rien de plus pénible que de lire un type qui t'explique pourquoi un bon rappeur est un bon rappeur; le fait est que vingt ans après 93' Til Infinity, les Souls of Mischief sont encore capables de couplets fulgurants et que leur storytelling bizarre se sent chez lui sur les prods golden age d'Adrian Younge, qui se prend pour Quincy Jones et en aurait presque les moyens. « J'ai été fan du groupe dès le premier single, je connaissais les paroles par cœur, mais la vérité c'est que je n'arrive pas à écouter les albums d'après (nous non plus). Je voulais les ramener à cette époque où ils faisaient ce truc avec envie et j'ai composé en m'inspirant de la période 1968-73 qui est celle d'où vient l'essentiel des samples de 93' Til Infinity ». De fait, rarement rappeurs quarantenaires diplômés de Stanford nous avaient paru si affamés.
L'album There is Only Now est sorti hier et vous pouvez vous le procurer juste ici.
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