Ca fait quatre ans que Sigha sort des maxis sur Hotflush et probablement autant de temps que ses potes de label se font du mouron à son sujet. Même en tournée, quand Scuba ou les gars de Mount Kimbie coupent la radio pour lâcher une caisse, le gamin moufte rien et glace tout le monde de son impassibilité, le regard tourné vers le néant. La faute aux fantômes qui lui susurrent des mots doux à l'oreille, à son pseudo (Super Soupir Man) ou à sa longue mèche richie-hawtienne qui l'empêche de voir le soleil (cf. la photo ci-contre), sa musique broie imperturbablement du noir, du noir et encore du noir. 

Vaguement affilié au dubstep au début de sa carrière pour son entourage plutôt que son recours aux infras qui vrombissent sous les molaires, il a petit à petit plongé dans les arcanes de la techno congélo au fur et à mesure que réémergeaient ses Maîtres (les Regis, Surgeon et autres Luke Slater avec lesquels on vous saoule copieusement depuis quelques temps) et trouvé sa zone de confort quelque part entre ces monstres tubulaires et l'Enfer de Jérôme Bosch. Suite logique, suite terrible, son premier Living with Ghosts noircit encore le trait et refroidit l'atmosphère de quelques dizaines de degrés celsius supplémentaires. En gros à côté, le Plastikman de Consumed, c'est la Compagnie Créole. 

Prototype d'une techno intégralement fabriquée dans l'ordinateur, la musique qu'on y entend impressionne autant pour son articulation et sa sévérité que pour la manière dont elle arrive à se passer d'air, de buzz, de vie. Quand j'étais gamin et que je tremblais comme une feuille devant les clips de Sigue Sigue Sputnik, c'est exactement à ce genre de musique que j'imaginais que ressemblerait la musique du futur. C'est peut-être ça qui tarabiscote et déprime Sigha depuis le premier jour: la musique qu'il porte en lui ressemble peu ou prou à la musique du moment où la musique finit. On veut absolument être là le jour où il sera invité à mixer au Pacha d'Ibiza.