Sérieusement, combien sont-ils parmi les garçons de la bass music anglaise à s'octroyer le droit de rester volontairement et en permanence en retrait du jeu des trends?
Au firmament de la classe depuis qu'il a dissous Skull Disco, Shackleton continue de creuser son sillon au coton tige et à la truelle pendant que ses soi disant camarades de scène se montent tous la tête autour du même son de de caisse claire comme une bande de zébus assoiffés autour de la même mare boueuse - et tout ce qu'il sort, comme par hasard, nous intéresse. Il y a eu un premier album en forme de triple maxi, le mix Fabric le plus jusqu'au boutiste de la création, un missel éponyme inclassable et superbe débarqué sans aucune annonce préalable composé à quatre mains avec Pinch, pourtant le producteur le plus docte et le plus fidèle au tout premier cahier de préceptes de la mission dubstep, et si le temps nous a manqué pour juger en temps et en heure ces pépites de granit à leur juste valeur, l'histoire musicale des années 2005-2012 sait déjà ce qu'elle leur doit.
Et là, de nouveau sans crier gare, il pose un nouveau monstre littéralement destiné aux générations futures puisqu'il contient une lettre à son hypothétique petite fille pour qu'elle l'écoute aux alentours de l'année 2065. Intégralement inspiré par l'acquisition d'un vieil orgue électromécanique italien "qui a très mauvaise réputation", Music for the Quiet Hour/The Drawbar Organ EPs est une double collection de morceaux bâtis avec les mêmes matières mais des deux côtés de la barrière dance/ambient, rythmes au coeur ou vues de l'enfer à inspecter au petit matin.
A vrai dire, l'art de Shackleton est tellement idiosyncratique dans ses ambiances et constructions qu'on n'entend pas tout à fait la différence entre les deux, mais c'est tant mieux pour les oreilles et le doublon fait un double-album remarquable de cohésion. On y retrouve les mêmes horizons théoriques dessinés par Marshall McLuhan ou Philip K. Dick, les mêmes basses élyséennes, les mêmes bourdonnements venteux directement échappés de l'Axe du mal selon W, mais avec un surplus de netteté et de profondeur de champ qui flingue les derniers doutes quant aux soucis de formes.
Le dubstep n'a jamais été aussi loin, les figures tutélaires de l'ambient post-industriel que sont Muslimgauze, Illusions of Safety ou Zoviet France n'ont jamais été aussi proches et l'on se dit que Shackleton est bel et bien devenu notre Dieu du psychédélisme sec. Tant est qu'une telle chose puisse exister.
On a pas grand chose d'autre à vous glisser sous la dent que quelques liens Youtube, mais si vous êtes un tant soi peu sain d'esprit vous vous êtes déjà connecté sur Surus pour acheter le monstreux objet. Quoi qu'il en soit, il fallait que quelque chose soit écrit ici.
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