Ron Morelli, c'est qui? C'est le boss de L.I.E.S., coco, c'est-à-dire l'un des 10 labels les plus influents de la dance music actuelle, large. Oh, pas l'un des plus gros, non - les ventes moyennes des maxis en pressage limité du label doivent avoisiner le 0,7ème des ventes moyennes de Cocoon ou Crosstown Rebels - mais sans une once de doute l'un des plus hip, des plus créatifs et des plus influents. Ce qu'a fait L.I.E.S. sans qu'on s'en rende tout à fait compte, c'est glisser des nouvelles cartes dans le game (vénération du bruit, vénération du flou, vénération de l'urgence) pour revitaliser une musique house qui si elle n'était pas au point mort créatif, était un peu engluée dans le doute et le pompiérisme.
Bien sûr, L.I.E.S. n'est pas seul responsable de ce chavirement esthétique - à bien des égards, le label new-yorkais n'a fait que confirmer une tendance mondiale engagée par les néo-jackers de Clone, Mathematics ou Nation et les bricoleurs libres de Pan, TTT ou Opal Tapes - mais son apport est décisif: le label a fixé sans les systématiser les aspirations d'une nouvelle génération de producteurs et de danseurs, fatigués à l'avance des trends éphémères imposés par les nouveaux modes de consommation d'Internet et en quête de nouvelles manières de vivre la dance qui soient à la fois plus libres, plus incarnées et plus authentiques. Vraie révolution ou parenthèse enchantée stimulée par le climat (de crise), L.I.E.S. fait un petit tabac depuis deux ans et il semble presque oecuménique. Rien que pour la France, la présence de Ron Morelli et des artistes du label des Concrete jusqu'au Baron en dit long sur ce succès d'estime immense en même temps que sur la perméabilité de l'époque à la dance qui doute et qui dérive.
La personnalité joyeusement ardue et intransigeante de Morelli, vieux briscard formé au hardcore puis à la techno dure de Hollande (il se dit fan de Unit Moebius et Bunker) a sans doute un joué un rôle plus que maïeuticien dans cet essor. Exigeant et démocrate, il convie sans oeillères (Steve Moore, Delroy Edwards, Steve Summers) en même temps qu'il chérit son gang de plus en plus libéré et idiosyncratique (Vereker, Svengali Ghost, Jahiliyya Fields). Mais peu disert comme musicien, sa propre production se limitait jusqu'à présent à une poignée de morceaux fantômatiques (sous le nom de L.I.E.S. ou U-202) et de collaborations (dans Bad News et Two Dogs In A House). Vraisemblablement, l'Américain rongeait son frein et se réservait pour quelque chose d'un peu plus artistique, d'un peu plus grand et d'un peu plus radical. "Crack Microbes" qu'on écoute aujourd'hui est non seulement le preview de son premier album officiel, mais c'est le meilleur truc qu'il a jamais sorti. Evoquant autant les premiers Cabaret Voltaire qu'une version primitive - que dis-je, primale ! - d'Underground Resistance, c'est une merveille d'ambiance et de groove qui se permet même le luxe de se passer de kick et de caisse claire. Annoncé sur l'Hospital Productions du très trouble Dominick Fernow (alias Prurient, alias Vatican Shadow, alias etc.), décoré par une image sordide (cf. ci-dessous), Spit promet d'être moins technoïde et lo-fi que noise, glauque et troublant et on est impatient.
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