Aimez-les ou détestez-les (you know who you are), Plapla Pinky travaillent dur pour nous faire entendre des choses jamais entendues et nous faire écouter des choses qu'on ne s'attendait pas à avoir envie d'écouter. Farouchement inassimilés aux divers crews actifs dans les divers undergrounds électroniques européens, à mi-chemin du barouf techno et des tours de cristal de la musique électronique de recherche, Raphaël Hénard et Maxime Denuc envisagent leurs projets et leurs sorties (3 officielles jusqu'ici) comme autant d'expériences esthétiques et poétiques inédites, foncièrement électroniques de culture, d'essence et d'orientation mais dont les inspirations piochent où bon leur semble (jusqu'à la musique ancienne sur le très beau Succession EP) et les principes d'élaboration interrogent jusqu'à nos rituels pépères d'écoute et de consommation de musique.
Leur nouvel Appel (dispo pour la somme de zéro euro via leur nouveau label Choral) installe son champ d'investigation entre la techno spectrale et la musique baroque et utilise comme principale source sonore des compositions et variations imaginaires autour de vestiges de la rave jouées par l'organiste Cindy Castillo sur l'orgue de l'Eglise du Chant d'oiseau à Bruxelles pour nous rappeler le lien ténu qui existe entre musique de rave et musique d'église. Vous doutez de son bien fondé? Plapla Pinky vous expliquent de quoi il en retourne.
Comment est née l'idée ce cet Appel EP?
L'idée de ce disque est venue suite à nos expériences en club en tant que spectateurs. On a finalement découvert la techno assez tard et cela nous a pas mal obsédés, on trouvait très beau ce potentiel de "situations" sonores, ce temps étiré des fêtes à pills où la lumière change, de la nuit à l'aube, de l'aube à l'après-midi… Il y avait clairement cette idée d'écrire une musique pour l'after du dimanche, ce moment où le besoin de pulsation peut laisser la place aux désirs harmoniques et à l'hypersensibilité. Mais parfois, la techno est plus poétique dans notre situation imaginaire "idéale" que dans le réel; on pense à cette chanson de Trisomie 21 " La fête triste"… Alors on se nourrit de nos expériences, mais aussi d'une projection mentale qui nous excite, et qui aurait telle lumière, telle acoustique, tel son...
Que signifie le titre? (j'ai pensé au Rappel des oiseaux de Rameau, dont vous proposiez une relecture dans votre disque précédent...)
Appel, c'est l'idée de l'anthem lointain qu'on entendrait à l'extérieur d'un hangar, comme un hors champ, une excitation lointaine qui donnerait le désir de s'approcher, de venir ressentir...
Quel est cet étrange fil conducteur qui relie vos disques sortis à ce jour?
Le fil conducteur de tout notre travail, c'est d'essayer de produire une musique simple, assez pure qui est à chaque fois est obsédée par la question du timbre et de sa cohérence. Aussi bien sur ce disque que dans nos travaux précédents, chaque morceau est constitué d'une idée musicale presque pauvre, étirée au maximum. Ce qui a changé récemment, c'est cette obsession pour un nouveau temps, celui de la techno.
Simplement, quelle est votre expérience de la rave? Et quel serait son lien avec la musique religieuse? Votre lecture serait-elle plutôt d'ordre esthétique ou sociologique? (on pense bien sûr aux liens maines fois commentré entre les habitudes de pélerinage vers des lieux religieux et les grands raouts sociologiques que représentaient les rave dans les années 90...)
Le parallèle techno / messe est une figure assez connue et qui consiste souvent à comparer la figure du DJ à celle du prêtre (pour la question de la dévotion, du pouvoir) et à considérer le rituel social sur le mode, "dans cette société moderne où les repères ont changé , le nihilisme a remplacé la spiritualité…" . Nous sommes assez loin de ça, notre point de de départ était avant tout d'imaginer une situation sonore. Nous sommes des musiciens et nous réfléchissons toujours depuis ce point de vue. Ce qui nous a excité, c'était d'abord des questions sur l'harmonie, la lumière et l'espace. Dans la culture des raves primitives, on retrouve des cadences d'accords basées sur des enchainements très simples, qui expriment l'amour, la joie, d'une façon très sommaire… Ça nous touche beaucoup. Ces motifs "emphatiques" ont été une inspiration claire pour l'écriture des partitions d'orgue. Et puis aussi la sensation d'envahissement de l'instrument en plein-jeu nous faisait penser aux murs de son. La lumière a été une source d'inspiration aussi, qu'elle soit filtrée par les vitraux d'une église ou qu'elle apparaisse avec le lever du jour par la fenêtre terne d'un hangar.
Pourquoi l'orgue d'ailleurs?
L'orgue est un instrument vraiment à part, et le parallèle avec la synthèse électronique peut être très excitant. On fabrique son timbre en associant des couches, un peu comme de la synthèse additive. On a tenter de jouer entre les espaces acoustiques, de créer des flous traduisant cette sensation vaporeuse du dimanche après la fête. Il y avait aussi ce truc fascinant de jouer pour l'espace, la réverbération … Cette expérience nous a inspiré un projet pour orgue et électronique live, Raver Stay Wtih me, qui sera joué dans des églises et dont la première aura lieu le 5 septembre, à Riga, pour le Skaņu Mežs festival.
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