Exceptions faites de Led Zeppelin ou des stars de la musica popular brasileira, le moment du disque éponyme est toujours un peu spécial dans la carrière d'un groupe. Sans vouloir pousser qui que ce soit dans quelque système que ce soit, c'est souvent le moment où le groupe réalise qu'il a une image qui n'appartient qu'à lui, où il se voit suffisamment beau et suffisamment unique pour affirmer son existence et son idée par une oeuvre suffisamment singulière pour qu'elle embrasse, à ce moment M au moins, sa très précieuse identité.
Paradoxalement, rigoureusement, c'est aussi souvent le moment où le groupe se pique de jouer avec l'identité en question, d'affirmer sa liberté et tente le chef d'oeuvre d'audace, le retour aux sources minimaliste ou le grand n'importe quoi - en bref, profite de cette nouvelle carte d'identité pour se réinventer. Et en dépit de tout ce que l'inépuisable Arthur Larregle, Paula et leur bande de zazous affirment à tour de bras par estimable humilité, J.C.Satàn, sur leur quatrième album éponyme, font exactement ça. Ça se déchiffre d'ailleurs aisément dans le titre du morceau qui ouvre le disque, "Satan II": parfois, pour avancer, on est obligé de se trahir et de se dédoubler.
Oser la folie, oser le baroque, oser l'art: voilà donc ce que se permettent Arthur, Paula, Alice, Romain et Dorian sur J.C.Satàn. Bien sûr, il y a peu d'éléments dans le disque qu'on n'ait déjà entendu dans leurs disques précédents, les guitares coincées dans les fibres de la feuille de papier à cigarette qui sépare les Byrds de Queens of the Stone Age, les violoncelles tombés du premier ELO ou d'"Eleanor Rigby", les harmonies de voix entre la Motown et Verdi, les solo de guitare acides frippiens ou l'americana réinventée depuis la Plaine du Pô. Mais tout s'enchaîne, s'étage et s'additionne pour la première fois avec une verve, une éloquence et une grandiosité qui donnent l'impression très forte d'une intelligence supérieure (au sens de deus ex machina, pas de premier de la classe) qui donne tout, voire d'une histoire qui se raconte, et ça, c'est la première fois que c'est si explicite dans un disque du combo français.
En d'autres termes, comme tous les grands disques de rock à ambition artistique avant lui, J.C.Satàn est bien plus que la somme des élements qui s'y trouvent, J.C.Satàn n'ont jamais sonnés aussi libres, audacieux et en maîtrise de leurs moyens, J.C.Satàn ne se sont jamais autant ressemblés que dans ce vaste opéra d'harmonies, de fureur et de liberté. J.C.Satàn sort sur Born Bad et Animal Factory le 21 septembre. Il se précommande ici.
Crédit photo: Titouan Massé
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.