La Northern Soul vue de France, c'est plus un mythe qu'un moment d'histoire. Qui chez nous à part les historiens des mouvements contre-culturels en Grande-Bretagne, les obsessionnels du mouvement Mods et les journalistes de l'époque sait bien de quoi on parle?
Avec le recul, on confond d'ailleurs souvent la Northern Soul avec un "genre de musique" quant à l'instar du disco, le terme englobe beaucoup, beaucoup plus que ça. La Northern Soul c'est autant un esprit qu'une géographie (le Nord de l'Angleterre de Manchester au fin fond du Lancashire), un contexte socioculturel (les cités industrielles en crise) et une époque précise (la deuxième moitié des années 60). Et puis, plus prosaïquement, c'est une conjonction remarquable d'élements très singuliers: des lads fans de foot et d'amphet' et des filles fans de speed et de malt, une poignée de clubs (le Twisted Wheel, le Casino Club de Wiggan, le Blackpool Mecca), des DJs voyageurs, sévèrement saoûlés par la pop bubblegum produite localement et capables pour lutter contre la fatalité d'aller à la recherche du hit perdu jusqu'à New York ou Detroit. Tout ça mélangé dans une pinte a curieusement enfanté une étrange parallèle à la pop music qu'on appelera plus tard la club culture.
Ce qu'ont lancé les cratediggers avant l'heure Ian Levine, Colin Curtis ou Bob Dee, c'est aussi la naissance du purisme contagieux. Le gros de leur matériau, c'était la soul music de seconde zone, venue du souterrain de seconds couteaux qui luttaient dans l'ombre de Stax ou de la Motown. Ils l'aimaient parce qu'elle passait sous le radar du mainstream mais surtout parce qu'elle sonnait plus brute, "heavy" et croquignolette que celle qu'on pouvait voir passer à la télé. Surtout, la source était à ce point abondante que ces proto disc jockeys pouvaient y imprimer leurs goûts et leur sensibilité, puis la communiquer à la masse de danseurs-mélomanes qu'indirectement, ils formaient et éduquaient: du jour au lendemain ou presque, les disquaires du coin se mirent à crouler sous les demandes de disques d' "heavy dancebeat" dont personne n'avait jamais entendu parler. C'était 4 ou 5 avant que que le disco commence à essaimer, 20 ans avant la house de Chicago, 8 avant le punk, 10 ans avant le Lovers Rock et 10 ans avant Thatcher. Ce fut un moment majeur pour la musique britannique, qu'on passe souvent sous silence hors de frontières d'Angleterre et qu'on résume généralement à une série de compilations sémillantes à passer en pub ou en soirée.
Institution hebdomadaire de la BBC 2, le Culture Show célèbre les 40 ans de la naissance de l'événement avec un petit documentaire au mouvement et à son éternel renouveau. Visiblement, le sujet tenait très à coeur à Paul Mason, présentateur star de la BBC qui se présente d'emblée comme un ancien "regular" du Wigan Casino. D'une durée de 30 minutes, le petit film fait bien entendu pâle figure face aux 24 heures et 6 DVD de The Strange World of Northern Soul, immense anthologie d'images et de souvenirs compilée par Ian Levine lui-même il y a une dizaine d'années. Mais de John Cooper Clarke à une poignée de danseurs jamais rangés des camions, il y a largement de quoi être touché en plein coeur et, pourquoi pas, passer le pied à l'étrier.
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