Ça doit faire au moins 10 ans que la plupart des critiques rock autour du monde frémissent (d'excitation libidineuse ou d'effroi) à l'idée d'un revival grunge. Curieusement, ça va faire 10 ans qu'il n'arrive pas vraiment.

Bien sûr, le béguin pour Nirvana continue à s'inoculer traditionnellement de génération en génération de collégiens, "Vitalogy" de Pearl Jam est à deux doigts d'être réévalué comme un classique (voire, pire encore, un disque écoutable) et le dernier Mudhoney a curieusement intéressé presque le double de personnes que les 3 précédents. Mais on attend toujours une lame de fond de l'ampleur de celle qui a mis ou remis le post-punk qui se danse, l'italo disco ou la house de Chicago entre nos oreilles et dans le crâne des gamins qui remplissent les bacs nouveautés des disquaires.

Ce qu'il manque sans doute aux plumitifs rock de notre génération (celle qui s'est éprise du grunge à l'adolescence via Singles de Cameron Crowe et MTV, c'est-à-dire dans sa deuxième phase de mainstreamisation) pour déclarer la saison du revival grunge ouverte, c'était un peu plus de contexte historique. Avouons-le sans embarras: dans les articles des magazines français du milieu des années 90, l'arbre généalogique s'arrêtait à Mudhoney, aux Screaming Trees et à Green River pour les ancêtres, et aux Melvins ou à Flipper pour les figures tutélaires.  

Une énième fois, on sait donc gré aux gens de Soul Jazz de faire le job à notre place. Astucieusement nommée en hommage à l'inénarrable anthologie no wave No New York, No Seattle: Forgotten Sounds Of The North-West Grunge Era 1986-97 réunit 28 morceaux d'à peu près autant de groupes à peu près tous oubliés par l'Histoire du rock (la meilleure preuve en étant l'absence notable de la plupart d'entre eux des tréfonds de Youtube) qui nous rappellent une évidence qui ne nous avait pourtant jamais traversée l'esprit: à l'origine du miracle alt rock des années 90, il y avait un bouillonnant creuset alt punk. 

Bien sûr, la liste des groupes de l'anthologie ne dira pas grand chose au digger de hardcore moyen. Mais outre le fait que 17 des groupes de l'anthologie ont partagé la scène avec Nirvana à un moment ou un autre entre 1987 et 1993, la plupart ont des blazes suffisamment débiles pour nous donner envie de nous rouler par terre de bonheur:  Yellow Snow (hommage au "husky wee wee" de la chanson de Frank Zappa?) Helltrout ("truite de l'enfer"), Thrillhammer, Chemistry Set... Accessoirement, la lecture de la press release nous apprend que la plupart des combos de la floppée ont quelque chose à voir avec le label C/Z Records, les mythiques producteurs Jack Endino et Steve Fisk et des groupes devenus très connus quelques années plus tard: Bundle of Hiss a muté TAD, Attica et Helltrout étaient les premiers groupes des 1er et 3ème batteurs de Nirvana...

Tout ça pour dire qu'on n'a pour l'instant entendu 2% de cette anthologie mais qu'elle nous fait incroyablement envie. Par contre pour le revival grunge, ne comptez pas trop sur nous pour sortir l'armada de superlatifs en 2016, quand Ty Segall sortira son tribute album à Temple of Dog produit par Butch Vig et Andy Wallace. 

Disc: 1
1. This Town - Starfish
2. Stop Killing The Seals - Vampire Lezbos
3. Windyyy - Nubbin
4. Jail Ain't Stoppin' Us - Saucer
5. Blind Man's Holiday - The Machine
6. Beverly - Medelicious
7. Same 18 - Hitting Birth
8. Wonderama - Nubbin
9. Woodstock Unvisited - Crunchbird
10. Talk To Me - The Ones
11. 123 - POD
12. Alice's Palace - Thrillhammer
13. Take Me For A Ride - Yellow Snow
14. Precious Hyde - Helltrout

Disc: 2
1. Wench - Bundle Of Hiss
2. Run Around - Starfish
3. Bleed - Thrillhammer
4. Fields - The Chemistry Set
5. Voice Of A Generation Gap - My Name
6. It's Getting Late - The Small Stars
7. AM FM - Shug
8. Debbie Had A Dream - Treehouse
9. Why I Fight - My Name
10. It Smiles - Soylent Green
11. Best - Kill Sybil
12. Magdalena - Calamity Jane
13. Chicky Chicky Frown - Saucer
14. The System - Attica