Commençons tout de suite par rétablir une vérité légèrement ignorée lorsqu’il s’agit de défendre un artiste en brandissant son jeune âge comme argument de vente: non, faire de la musique à 20 ans n’est pas plus un gage de qualité que de médiocrité. C’est comme ça que ça marche, quand on est à la fac, qu’on a un peu de sens artistique, et qu’on a 25 heures de cours par semaine, avec pour seule responsabilité de ne pas trop manger de kébabs et de se foutre de l’establishment, on fait de la musique. C’est aussi con de faire d’une génération de sous-Strokes français des baby-rockers, que de crier au génie de Nicolas Jaar, car “il n’a que 21 ans”.
La remarque vient gentiment piquer au vif l’étonnement de certains camarades chroniqueurs face à la maturité présumée du premier album du new yorkais – Space Is Only Noise-, mais surtout pousse à s’interroger sur sa récente canonisation aussi bien orchestrée par la crème de la presse électronique, que généraliste.
Armé de ses excellents premiers maxis sortis ces trois dernières années (The Student, Love You Gotta Lose Again, Marks & Angles, Time For Us), grâce auxquels il bouscule gentiment les codes de la house à papa, Jaar vient rejoindre la très confidentielle famille Slow-motion House aux côtés de ses ainés 6th Borough Project, Mark E, Eddie C, Tiger & Woods, Soul Clap, The Revenge… Et non seulement le petit nicolas apporte sa pierre à l’édifice slow-mo avec une techno qui renie ouvertement le sacro-saint format club, mais il aligne également un CV qui donne un biscuit monstre aux journalistes!
Né à New York, de parents chiliens, (ce que la presse ne manque pas de relever, brandissant immédiatement des filiations risquées avec Aguayo, Villalobos et compagnie), fils d’Alfredo Jaar (artiste multi-cartes adoubé par le Guggenheim, et entre autres connu pour son travail autour du génocide rwandais), aujourd’hui étudiant en littérature comparée à Brown… Bref, sans aller jusqu’à dire que “Nicolas Jaar c’est l’assurance d’un papier bien épais”, sa bio étonnante élargie la grille de lecture habituelle des musiques électroniques, et drague les amateurs de belles histoires à la recherche de mises en perspectives.
Et ce n’est pas notre sujet vidéo qui viendra infirmer notre petite théorie du jour. Biberonné à l’art contemporain et fort d’un héritage familial cosmopolite (Américain, Chilien, Français, un peu Arabe même, nous confie-t’il), Nicolas Jaar se réclame sans retenue d’une génération qui s’affranchie totalement des codes de clubs (Mount Kimbie, Matthew Dear, Gold Panda…), cite sans retenue Mulatu Astatke et Erik Satie, et surtout ne lésine pas sur les concepts. En témoigne son premier album sorti sur l’écurie française Circus Company, sur lequel Jaar s’attaque à un pan entier dans l’histoire de la musique: la définition du bruit.
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