En bonus à nos vieux Sakamoto ou Beethoven par Pogorelich, on est heureux de trouver plein de disques doudous dans l'actu en ce moment pour contrebalançer ceux qui prennent un malin plaisir à nous tabasser : il y a la reparution du premier Bing & Ruth chez RVNG Intl., le très beau Clouds of David de Damon Eliza Palermo chez 1080p, les rééditions de Leon Lowman chez Vinyl on Demand... Et donc cet Origins remarquablement accueillant de Jonathan Fitoussi dont il ne faudrait surtout pas que la discrétion naturelle et l'hospitalité - on parle d'un disque qui fait la part belle aux formes discrètes, aux structures méditatives, aux climats tempérés - vous fassent croire que vous pouvez vous en passer.
Cinquième disque en solo du compositeur électronicien et deuxième à paraître cette année après le passionnant Five Steps joué à quatre mains sur les synthés avec Clemens Hourrière, Origins est en effet à écouter absolument pour la manière dont il réévalue et projette l'ambient pépère du Père Eno au rang de musique acousmatique à explorer au microscope. Et si ça fait de la musique "facile" à écouter qui tombe à pic à une époque où les rééditions d'obscurités new-age n'en finissent plus d'arriver chez les disquaires (citons Laraaji ou Don Slepian pour les semaines qui viennent de s'écouler), l'entreprise est moins évidente et bien plus singulière qu'elle n'en a l'air.
Variant les plaisirs, les timbres les instruments avec une gourmandise qu'on aurait tort de lire comme un systématisme (on trouve pêle-mêle piano emo légèrement traité, synthé séquencé, guitare perdue dans les échos, métallophone, orgue électrique martelé à la Terry Riley), Fitoussi se distingue par la précision presque maniaque de ses gestes mais aussi sa faculté à l'emporter par le choix d'harmonies à peu près toutes lumineuses (les exceptions "Microscopic" et "Celestial Arc" vont regarder du côté du GRM ou de la musique de film à la française) et de la modération.
C'est qu'on n'atteint pas les arrières-pensées de l'auditeur ou "la face cachée des astres" (pour citer les notes de pochette d'Eric Deshayes) par le tapage et la sidération, et Origins est un disque qui veut plus s'inviter dans vos profondeurs que forcer votre admiration. Les maîtres qui se cachent derrière sa simplicité s'appellent Luc Ferrari, Pythagore ou Eliane Radigue plutôt que Philip Glass ou Enya. Dans son genre et ses choses cachées, c'est en tout cas un vrai sommet.
Pensez avant de fermer les yeux et de plonger à jeter un oeil à la pochette sci-fi à mort signée par l'illustrateur Dan McPharlin, spécialiste du dessin rétrofuturiste déjà auteur de pochettes pour Pretty Lights, Dylan Ettinger ou Prefuse 73 et notez bien que si l'album est pour l'instant seulement en digital sur Pan European, les vinyles sont bel et bien en cours de fabrication.
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