Parmi tous les mythes sur la house music qui circulent depuis qu'on s'y intéresse à l'Université, il y a celui du Groove Bleu, équivalent de la blue note du jazz dont la magie tiendrait à la fois à l'influence de la météo sur les machines sommaires qu'utilisaient les pionniers de Chicago, Detroit etc. et l'invention sauvage, irréfléchie, fatalement plus authentique et donc supérieure de ces derniers.
Après trois décennies d'upgrades technologiques, ce mythe n'a jamais été aussi vivace qu'en 2014. A tel point que la dance music mondiale s'épanouit désormais entre deux pôles techniques: le mainstream digital de la musique électronique, techniquement parfait et parfaitement désincarné, face à l'alternative vintage, presque luddite dans ce qu'elle dit en creux sur les rapports entre art et technologie, qui considère que la dance music n'est jamais aussi bonne et efficace que quand elle est sale, claudiquante, imparfaite. De Burial à la conception de la dance chère à L.I.E.S. et à ses affiliés, on pourrait même relire toute la musique électronique des années 2010 à l'aune de cette prophétie technologique autrefois réservée à Isaac Asimov ou Philip K. Dick : notre salut de danseur passera par celui du groove dance ultime, imparfait et faillible à toutes ses strates et dont le secret se cache évidemment entre les mesures parfaites délimitées par les séquenceurs des ordinateurs.
Troussé par deux types qui ont déjà fait au moins cinq fois le tour de la question technologique (rappelons qu'Erik "Errorsmith" Wiegand conçoit des synthétiseurs virtuels pour Native Instruments), le bien titré "Syncro" est à la fois un banger très tendu dont on imagine aisément les effets sur piste de danse (qu'y a-t-il de plus jouissif que deux grooves qui se retrouvent après une minute de déphasage chaotique?) et une sorte d'extrapolation littérale de la question qui nous intéresse: si le groove parfait existe, cherchons-le partout où il est susceptible de se cacher, y compris là où le groove menace de s'écrouler. Ça donne donc un morceau totalement geek, très drôle et déjà indispensable à la semaine qui s'ouvre, et c'est disponible depuis quelques jours à peu près partout où vous avez l'habitude de faire vos emplettes techno, house et sous-genres associés.
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