Pete "Namlook" Kuhlmann s'est éteint le 8 novembre dernier. Attristés par la nouvelle et par l'indifférence générale qui l'a accompagnés, on ne peut pas non plus dire que l'on en a été très surpris tant tout dans le geste et la manière de ce musicien allemand allait à contre-courant des régimes et des cadences de plus en plus hystériques de la pop culture contemporaine. Continuateur direct de l'édifice de la musique planante allemande, formé au jazz-rock et aux diverses disciplines new age en vogue dans les années 80, Namlook enregistrait comme il respirait, jusqu'à sortir deux ou trois disques par mois. A l'époque où la rareté forçait la concentration et où une heure de musique coûtait en moyenne le prix de cinq demis, ça nous convenait à peu près: Namlook demandait beaucoup de notre temps pour nous faire écouter pas grand chose, mais ce temps, nous en avions encore des sacs à dépenser. Ainsi son Fax de label, ainsi nommé en hommage à ce moyen de communication "idéal pour une distribution des idées rapide et peu onéreuse", est devenu un véritable havre de tranquillité pour le mélomane électronicien des années 90. Porté un temps par l'engouement pour les chill outs des grosses rave et l'ambient house pionnière de The Orb, Biosphere ou KLF, Fax lança quelques carrières (Atom Heart, Dr. Atmo, Tetsu Inoue) et servit ponctuellement de havre de liberté à quelques pionniers alors délaissés (dont Klaus Schulze) et divers producteurs en vacances de la house et de la techno (Richie Hawtin, Anthony Rother, Jocheem Paap alias Speedy J, David Moufang). Et c'était bien parce que c'était discret et en même important, comme un reminder discret de cette partie inextinguible de la musique électronique qui étend le temps et fait, mieux que n'importe quelle autre musique, des paysages dans lesquels se projeter et s'oublier.
A bien des égards, Minilogue aurait pu sortir ses disques sur Fax. En belle contradiction avec son nom, le duo suédois ne fait que des disques mammouths; en plein accord avec son nom, il fait des disques en formes de voyages. Comme Namlook et la plupart des artistes sur Fax, Marcus Henriksson et Sebastian Mullaert affectionnent les formats très étirés et composent moins des structures à admirer qu'ils ne font couler des flots dans lesquels s'installer. Bien sûr à l'époque de leurs premiers maxis affiliables tech house (sur Maskros, Wagon Repair ou Traum Schallplatten), la tentation était grande de confondre les beats métronomiques sous les nappes avec des rythmes à danser. Mais depuis le disque ambient de leur hénaurme Animals de 2008, plus de confusion possible: la musique de Minilogue est faite pour s'élever et s'oublier.
La mue en dream machine aujourd'hiu accomplie, on s'étonne de n'avoir su déceler les signes plus tôt: bruits d'oiseau, volutes de rhodes, courbes acides qui battent à la cadence d'un coeur au repos, tout dans leur nouveau et à nouveau double Blomma rappelle les grandes heures de la musique de la musique de trip et semble n'avoir qu'un but: aider le corps à s'apaiser et l'esprit à décoller. Aussi longtemps que les moogs existeront sur la terre, des musiciens dans le monde en useront pour rendre nos siestes plus belles. Je trouve ça plutôt rassurant.
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