Chef du clan Liturgy à New York, Hunter "Hunt" Hendrix est ce qu'on appelle un fout-la-merde. Depuis quatre ans, il bouscule les crinères noires et les vendeurs de guitares Jackson de la planète métal en s'invitant sur une terre qu'il n'aurait aucune légitimité de fouler.
Problème pour ces ayatollahs, c'est qu'il a hyper bien révisé son Black Métal, et que dans le monde fascisant du "BM" ( et j'ai pas dit fasciste hein!) ultra-codifié, ultra-figé, et qui sent ultra-le fromage de bite, les tentatives de relectures et de mises en perspectives de l'Histoire ne sont pas vraiment les bienvenues.
Tout commence au lycée, où Hunter regarde avec pitié les punks casquette-à-filet refaire le monde en toute illégitimité, et préfère se réfugier dans le Black Metal, après une révélation coupable lors d'un concert de Cradle of Filth. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais voilà, comme tous les gamins de son âge, Hunter a vu Le Cercle des Poètes Disparus où Robin Williams torture ses élèves à grands coups de poésie humaniste à la Walt Witman (dont le portrait dans le film siège au dessus du tableau noir). Mais à l'inverse de ses camarades fans de Marvels, il choisit à la fac d'étudier ces auteurs, essayistes et philosophes comme Emerson.
Nous voici donc avec un Hunter bercé par un papa et une maman psychanalistes, fanatique de Blast Beat et d'imageries transgressives d'origine rappelons-le norvégiennes, mais néanmoins attaché à sa terre nord-américaine et à ses auteurs, qu'il regroupe lui-même sous une grande famille transcendentaliste.
Et si les norvégiens des 90's ont réussi nous raconte-t'il, à bâtir une utopie néo-païenne, anti-chrétienne, panthéïste et pseudo-sataniste en commettant quelques atrocités (l'assassinat de Euronymous par Varg Vikernes en 1993 en tête de liste), la question s'impose très vite à lui: que serait alors un Black Metal aux racines purement américaines? Condamnant ces actes (nous nous en sommes assurés pendant l'interview), il en décortique pourtant le sens, et finit par y trouver une forme de courage, de transgression ultime que l'Oncle Sam a pourtant connue au fil de son Histoire. Il nous parle ainsi, et ce n'est qu'un exemple modéré, du MC5 et du White Panther Party de John Sinclair qui dans la fin des 60's prêchait un anti-capitalisme sans modération aux têtes blondes du Michigan. Seulement voilà, nous ne sommes plus dans les 60's, et les 00's sont désormais rongées par un autre mal: chaque soubresaut révolutionnaire est instentanément digéré, il n'existe plus d'espace de contreculture!
La réponse de Hunter à ce casse-tête infernal tient dans un essai qu'il co-signe en 2010, avec une guirlande de nerds métalleux, après avoir été invité à une conférence portant le doux nom de Hideous Gnosis : Black Metal Theory Symposium (Le Gnose Ideux : un symposium pour une théorie du Black Métal pour la VF, et dont le PDF est en téléchargement ici).
De la page 53 à 65, il y développe le concept de Black Metal Transcendantal. Un mashup de ses lectures estudiantines et de son amour pour le gros son, opposant Black Metal traditionnel donc norvégien, et Black Métal transcendantal, par conséquent spécifiquement transatlantique. Cette américanisation et les maux de crânes qui vont avec, lui valent les jets de pierre de la diaspora métalleuse, et lui ont même coûté son groupe, puisque ce n'est qu'accompagné de son dernier fidèle soldat, son deuxième guitariste, que nous avons croisé Hunter à la dernière Villette Sonique à Paris. Et que c'est avec une boîte à rythme qu'ils ont joué sur scène. Un fouteur de merde vous disait-on.
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