Playlist et interview de l'intrépide directeur artistique du festival parisiano-toulousain.
19 Juin 2014
Dune 04:56 Abu 05:09 Surface of Revolution 04:41 No End 04:33 Black Bars 03:45 Keep Moving 03:48 Don't Cry For Me Argentina (No Compromise Mix) 07:17 φ 08:51 Giving Head To Kilian 03:57 Hugz feat. Bambounou 06:36 09 (Karl O'Connor Remix) 05:29
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A partir de quelle longévité, quels degrés de fréquentation et d'engouement peut-on dire qu'un festival est une institution culturelle? Sont-ce son niveau d'exigence ou la ferveur populaire qui le rendent incontournables? Organisées annuellemement depuis presque 15 ans à Toulouse et depuis 2011 au Musée du Quai Branly de Paris, Les Siestes Electroniques font effectivement partie du paysage... Mais pas dans le sens où la manne à découvertes se serait embourgeoisée pour devenir un raout prévisible et emmerdant auquel on se rend par habitude; plutôt dans celui où l'événement est devenu indispensable à notre santé mentale. Bluffés, une fois de plus, par la pertinence et le cran de la programmation de l'édition 2014, on est allés à la rencontre de Samuel Aubert, intrépide directeur artistique des Siestes, pour qu'il nous en dise un peu plus sur les idées derrière les noms sur l'affiche et les couleurs sur le flyer. Il nous a également mitonné une playlist exclusive, histoire d'accompagner la lecture de l'interview en musique.
Peux-tu nous présenter la programmation 2014 des Siestes Electroniques et la manière dont elle s'insère dans l'histoire du festival?
Je dirais qu'on reste dans une continuité, même si les couleurs musicales ont bien sur évolué. Particulièrement depuis la dixième édition. On reste évidemment lumineux dans les programmations, on est dans l'hédonisme, ça reste des concerts en plein air donc on privilégie la facilité d'écoute même si ça n'est pas une programmation littéralement facile. On essaie d'être ton sur ton avec l'été, le fait d'être décontracté. Aujourd'hui, il y a trois choses qui nous permettent de faire un peu ce qu'on veut: la confiance du public, même si on fait des choses plus osées, le public nous suit pour autant , tout marche esthétiquement. Il y a un renouvellement interessant sur les formes qui ne sont pas nécessairement les plus brillantes, on peut tout à fait faire jouer des groupes de post-indus par exemple. A Toulouse, la programmation est moins orientée sur la house, c'est moins fun et lumineux que ce qu'on faisait en 2007, notamment à cause de la crise économique : notre programmation mais aussi l'appréhension du public s'en ressentent. A Paris, c'est différent. Pour la première édition il n'y avait que du DJ set. Aujourd'hui, plus les éditions passent, plus on se tourne vers le live, au début laptop, maintenant de manière plus visuelle, cette année avec Franck Ferfield et Giai Dieu. On renouvelle le format visuellement.
Qui vient aux Siestes Electroniques ? Dans quelle mesure est-ce que les publics et la fréquentation des Siestes ont évolué depuis 2001 ?
On a des données hyper précises concernant le festival à Toulouse. On fait une enquète publique tous les ans, ce qui nous permet de déterminer le parcours type du festivalier. En règle générale, la première fois aux Siestes Electroniques, c'est pour les lycéens, entre 16 et 18 ans, parce que les parents y vont, que c'est en centre ville et en journée, c'est plus ou moins le premier festival. Il y a aussi les fidèles, qui vieillissent avec nous. Cela dit, il y a en permanence ces lycéens qui viennent grossir le flot des festivaliers. Notre objectif c'est de cibler aussi un public plus vieux, de mélomanes, les quarantenaires qui écoute de l'electro accoustique chez eux.
A Paris, le public est vraiment plus hétéroclite, quand on se met au milieu du public, plein de langues sont parlées. Probablement d'une part parce que c'est une zone touristique, d'autre part parce que c'est dans un musée. C'est un mélange de deux publics, les abonnés du musée qui se déplacent pour la collection audio et les gens des Siestes. C'est difficile de déterminer dans quelle mesure les Siestes ont évoluées à Paris parce qu'on n'a pas de données précises.
Mais ça a l'air d'avoir suffisamment évolué pour que vous précisiez sur vos évènements "Ceci n'est pas une rave". Mise à part la blague avec "Ceci n'est pas une pipe", est-ce que vous êtes un peu dépassé par les évènements ? Est-ce que c'est en parti dû à la place qu'occupent les musiques electroniques aujourd'hui ?
Oui, on est un peu dépassé par les évènements. Même des festivals comme Dour ou Solidays n'ont pas autant d'attendings sur leurs évenèments. Pourquoi? Je n'en ai aucune idée. On a fait ce "Ceci n'est pas une rave" pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Avec tous ces festivals comme la Peacock ou le Weather par exemple, un mec qui lit vite, il se dit "c'est la teuf". Alors que le propos est différent. Quand on vient voir le Ron Morelli des Siestes Electroniques, c'est celui qui joue de l'ethno, pas celui du Rex. On veut juste que les gens sachent à quoi s'attendre, en l'occurrence, ça n'est pas MDMA et tout le merdier. Attention, la rave c'est cool, ça n'est pas un manifeste anti-rave, loin s'en faut. Pour ce qui est de l'importance de la musique électronique, on en a rêvé et c'est un peu tombé du ciel !
Comment est-ce que travaillent les musiciens ? Est-ce que le Quai Branly leur indique une marche à suivre ? Dans quelle mesure sont-ils libres ?
Ils ont 10 mois pour piocher dans la collection audio du Musée du Quai Branly et faire ce qu'ils veulent de la matière, la garder telle quelle en DJ Set, ou la triturer dans tous les sens dans la mesure où ils en sont respectueux. La crainte des conservateurs c'est un peu le syndrome Buddha Bar : que le sample deviennent un gimmick vaguement orientalisant qui permette seulement au musicien de débiter du beat au kilomètre. C'est un peu ce qui est arrivé l'année dernière avec Kandging Ray qui a cherché à retrouver une rythmique dans des chants de gorges inuit. A la fin de son live, il est retombé sur du 4/4 techno basique qui a complètement écrasé tout le reste.
Est-ce qu'il y a des choses desquelles tu es particulièrement content cette année? Qu'est-ce qu'elle a de mieux l'édition 2014?
Un programmateur, en OFF, il ne sera jamais satisfait. En ON, ça sera toujours mieux que l'année précédente qui était déjà meilleure que l'année précédente qui était meilleure que l'année précédente... Dans l'absolu, le résultat final est fidèle à ce que je voulais. Je suis heureux d'avoir réussi à retrouver la possibilité d'inviter des artistes même s'il n'y a pas de tournée et même si c'est stupide économiquement. On le faisait les premières années et on s'était arrêté jusqu'à cette édition. C'est intéressant de voir que ça débloque des choses. Pour le groupe indonésien Senyawa, on leur a dit "Ok, on pait un peu" et du coup, ils restent un mois en Europe.
Il y a aussi les Giai Dieu, qu'on a rencontré au Vietnam en octobre 2013, dans le cadre d'un concert et d'une projection d'un film de Vincent Moon. Ces filles jouent peu, du Ca Tru, une musique en voie d'extinction que l'Unesco a mis sur la liste des arts nécessitant une sauvegarde urgente. Ça a fait chier le gouvernement Vietnamien qui a complètement figé la forme du genre de manière hyper traditionnelle. Le Ca Tru du gouvernement Vietnamien, c'est de la musique de vieux, ça n'intéresse pas la jeune population. Comme elles jouent de manière moderne, elles se retrouvent coincée sur place à ne jouer que pour elles. Il n'y avait rien sur ces filles, pas d'enregistrement, pas d'image. Ce sont des étudiantes, leur angle professionnel est différent. Ça leur tombe du ciel, c'est comme un super méga bonus pour tout le monde.
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