Que c'est beau, un groupe qui fabrique lui-même sa maison. Que c'est joli, un groupe qui creuse son propre sillon. Que c'est beau, surtout, un groupe qui arrive à renaître sans cesse de ses propres oripeaux sans avoir besoin d'aller copier ce que font les voisins d'à côté, du bout de la rue ou du bout du monde (rappelez-vous, Internet rapproche les êtres).
Ainsi les trois d'NLF3, qu'on s'est mal habitués à plier en 8 pour pouvoir les ranger dans la case "post rock" alors que la case post rock n'est remplie que de gagne-petits prêts à s'extasier devant la moindre étincelle en criant "oh la belle bleue!" font partie de cette race de bâtisseurs monomaniaques, dont on aime d'autant plus prendre des nouvelles que les formes qui sortent de leur atelier ne ressemblent à aucune autre, si ce n'est à des versions mutantes, remontées, modifiées, des formes qui en sortaient par le passé.
Bien sûr, on y reconnaît toujours des motifs et des iridescences similaires à celles qu'on trouve dans les formes de quelques autres constructeurs de bicoques biscornues - Tortoise, Plaid, Fugazi, Steve Reich, King Tubby, Ennio Morricone - et de musiques traditionnelles d'Inde ou des peuplades Yoruba, mais ce sont les mêmes qui agitent le code génétique de la musique du groupe depuis le premier jour de son existence. Alors soit, la renaissance dont il est question dans le titre de ce cinquième opus n'est pas la première que Mitch (Pires), Nicolas et Fabrice (Laureau) s'imposent. Mais c'est la première à s'annoncer comme telle (quoique, Viva! fleurant très fort la revolución), la première surtout à revendiquer la couleur rose.
Pourquoi le rose, d'ailleurs? Pas pour l'hommage à Nicki Minaj ou à une pop bubblegum qui serait devenue le nouvel horizon esthétique du trio, non; plutôt pour l'étrange espèce de lumière que réfléchit cette couleur "mal-aimée, hybride, ambivalente" (cf. le très beau texte officiel troussé par notre confrère Julien Bécourt pour accompagner la sortie de l'album) qu'on associe comme une évidence aux culs des nouveaux-nés ou aux robes à froufrous des petites filles modèle mais dont l'essence du flou, de la fausse superficialité, est bien plus profonde. Moins politique que le rouge, moins terrifiant que le blanc, le rose n'était sans doute pas la couleur la plus évidente à revendiquer pour NLF3, mais à réécouter le 9 pépites très denses de l'album en imaginant une nuée de flamands qui prend son envol au-dessus d'un marais de Floride (j'allais écrire "une tranche de jambon", mais c'est moins poétique), on se dit que c'est finalement très à propos. Le rose est évidemment la couleur de la tendresse, de la sensualité et de la compassion. Et privilégiant les formes brèves, les lignes de basse rondes et les nappes d'orgue rebondies, Pink Renaissance contient aussi les mélodies les plus belles et les plus mémorables écrites par le trio depuis au moins 3 disques. Tout ça fait un maelstrom magique, et de ce cinquième effort le plus immédiat et, sans doute, le plus accompli de NLF3 depuis qu'ils se sont piqués de partager avec nous leur étrange musique.
Pink Renaissance sort le 22 septembre. Le groupe fêtera ça dignement au Point Ephémère le 25, aux côtés d'Odei et Cubenx, Turzi et Eva Revox.
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