Deuxième épisode de notre rubrique Bac à Disques. Après les Parisiens de Born Bad Recordschop, nous avons demandé aux Bordelais de Total Heaven de nous faire une sélection de leurs disques du moment. Martial nous a envoyé huit notules pleines d'enthousiasme et de bonhommie (en signant "les bons skeuds de tata yvonne" dans le corps du mail, par exemple), témoignage du goût du monsieur pour les sorties de piste et les valeurs sûres, avec les toujours inusables Thee Oh Sees ou King Khan, les jeunes pouses indie pop australiennes The Goon Sax, mais aussi, pourquoi pas, les vétérans du rap de chez nous (Kheops) ou bien une certaine idée de la pop hexagonale (O).
THEE OH SEES : A Weird Exits (Castle Face)
"Mmmmhhhh... Dès "Jammed Entrance", le 3ème titre de la nouvelle livraison du "band" de John Dwyer, on sait que c'est définitif. L'halluciné Cold Hot Plumbs, offert l'an passé sous pseudo Damaged Bug, n'aura pas été qu'un "accident de parcours". Le grand échalas californien ne s'interdira plus rien. Mellotrons, synthétiseurs et flûtes sont désormais à part égale avec les déflagrations de fuzz, chambre d'échos et riffs surpuissants. Tant mieux. Encore moins "garage". Encore plus "psyché". Ici la distorsion, la répétition et la transe trouvent leur inspiration à la croisée de bien des chemins : L'acid rock sixties, ok, mais aussi les interminables lignes kraut de Can, le heavy prog' seventies bien hardos, comme les douceurs inouïes dont peuvent être capables Brian Eno ou Robert Fripp...). Super trip ! "Sorties bizarres"... Ok, mais sur quoi ? Vivement la suite (probablement d'ici 4 à 6 mois...)."
GOON SAX : Up to Anything (Chapter Music)
"C'te classe ! Pffffff... C'en est presque énervant. Le coup de coeur pour Goon Sax a été sacrément énorme. De la trempe de celui pour Mac De Marco, il y a 4 ans ? Il semblerait, oui, déjà. Ici, trois teenagers australiens, qui conjuguent la grâce des Pastels, au calibre des chansons des Go-Betweens (Ah! Louis est le fils de Robert Forster, un de ses leaders). Le résultat est merveilleux de justesse et de joliesse. Comme chez leurs compatriotes Cannanes, comme dans les envolées les plus "adolescemment" romantiques de Jad Fair, c'est la simplicité - et la (fausse) fragilité - qui, paradoxalement, font toute la force de ces "chansonnettes". Ecoutez "Boyfriend" ! Ecoutez "Sometimes Accidentelly"! Au final elle seront toujours plus puissantes que n'importe quel hymne de stade. Pas mal, donc, pour un disque doudou de la sorte. Megalove."
KING KHAN : Children of the World (Merge), Never Hold On & America Goddamn (Khannibalism)
"Alors là, surprise ! Et maximum respect ! Foutredieu !!! On retrouve l'ami King Khan au meilleur de sa forme. Sans les Shrines - avec qui il creuse un sillon 60's psych' pop de plus en plus raffiné. Sans Mark "BBQ" Sultan - avec qui il doo-wope a tout va sur des albums de plus en plus en plus "beatlesiens". Sans ses indispensables "béquilles" donc, on pensait Arish Ahmad Khan un peu perdu, seul et livré à lui-même, tout juste bon à allez faire le guignol tout bourré sur scène et montrer son zizi avec les Black Lips... Erreur. Ces 6 chansons hallucinées, suintant la soul poisseuse, sont toutes irrésistibles d'authenticité. Il y a du Nathaniel Mayer là-dedans. Du Ian Svenonius et du Curtis Mayfield. C'est l'état de grâce funk, sur 3 x 45tours, qui, mis bout à bout, ils forment pour info, la B.O. du documentaire "The Invaders"."
O : Un Torrent La Boue (Vietnam)
"Bon, j'aurai tout aussi bien pu parler, à enthousiasme égal, des disques de (Julien) Barbagallo, Laure Briard ou Chevalrex. J'ai choisi Olivier Marguerit un peu arbitrairement, c'est vrai, car c'est lui qui est sur la platine en ce moment même. Mais ces dernier mois en France, s'est opéré une métamorphose dans la pratique de la "pop chanté en français". Ou disons que j'en ai vraiment pris conscience. C'était juste avant l'été. La variété... La pop française... Cette musique qui pouvait faire si mal aux oreilles, hier comme aujourd'hui, compte désormais aussi sur de nouvelle forces vives, dont il est impossible d'avoir honte. Comment diable ces chansons se jouent des cannons de la sunshine pop anglo-saxonne, du rock, de l'electro, du shoegaze, pour proposer une musique si intime et universelle, si simple et sophistiquée ? Mystère. Si les maîtres mots sont spontanéité et gaîté (jusque dans les morceaux tristes), si ces garçons, ces filles, se connaissent déjà entre eux ou pas encore, ils sont en fait les briques d'un même mur. Les fondations ont été posées par les grands frères (François & the Atlas Mountains, Julien Gasc, Petit Fantôme, Flavien Berger ou La Femme). Les plans, élaborés par les tontons (Dominique A, Philippe Katerine, Mathieu Boogaerts, aidés du regretté Hubert Mounier de L'Affaire Louis Trio ou encore Jérôme Rousseau des Objets). QUOI QU'IL EN SOIT, cette nouvelle construction, aussi solide que majestueuse, est là pour durer. C'est un fait. Et on pourra s'y abriter au moindre coup dur. Tout en faisant le va-et-vient avec celles, érigées quelques décennies auparavant, par Brigitte Fontaine, Laurent Voulzy ou encore Dick Annegarn."
LORD RECTANGLE : s/t (Potagers Natures)
"Bim ! Une rencontre aussi atypique qu'explosive. L'ensemble local Minimal Bougé (jazz, bruits, poésie) associé au Californien Charles X (deux albums de pure soul soyeuse) deviennent Lord Rectangle !!! Ils sont irrésistibles, lorsqu'il s'agit de célébrer l'amour du rythme, l'intensité de la musique, la beauté des chansons. Leur calypso pas banal, d'une vitalité extrême, presque punk, est unique. Ce disque document le saisit dans son élément : le concert. Le public hurle, siffle, frappe. Les musiciens - pourtant aguerris - et le chanteur - pourtant si charismatique au naturel - révèlent ensemble une machinerie qui les dépasse et atomise nos espérances les plus folles. Elle est sexy. Elle est toute puissante. Fela avait ça. Le MC5 et les JB's aussi... Sommes-nous à Trinidad ? New York ? Soweto ? Non non, ici, c'est les capus. Bordeaux, mec !
PS : Rien sur le net. Faudra vous contenter de la pochette et me faire confiance sur ce coup-là."
TELSTAR SOUND DRONE : Magical Solutions to Everyday Struggles (Bad Afro)
"Oh, wow !!! Bad Afro, le label de Copenhague se rappelle à notre bon souvenir. Telstar Sound Drone compte en son sein des membres de Baby Woodrose (heavy 70's punk rock influencé par les Stooges ou le MC5). Mais ici, le psych' rock n'a plus du tout cette saveur là. S'ils ont la capacité de se mettre les fans des Black Angels dans la poche, les Danois sont en fait exactement sur la même longueur d'onde radio que les rosbeefs cramés The Heads, les plus clean The Oscillation et of courses the "space rock super popes" : Spacemen 3. Car c'est bien de ça qu'il s'agit ici : "Taking drugs to make music to taking drugs to...". Bloqué sur un bourdonnement lancinant, d'un équilibre précaire mais immuable, garants des flashs plein les yeux ; le Telstar Sound Drone n'a malheureusement pas fait jusqu'ici le bruit qu'il mérite amplement. Allez donc jeter une oreille sur cet étrange trou noir sonique et psychedelique."
V/A : Soul Sega Sa ! Indian Ocean Segas from the 70's (Les Disques Bongo Joe)
"Un peu d'histoire en guise introduction : "Dans les îles vierges du Sud-Ouest de l'Océan Indien, à l'île Maurice, à la Réunion, et aux Seychelles des esclaves sont déportés depuis l'Afrique et Madagascar à partir du XVIIème siècle, pour cultiver le café puis la canne. Dans les plantations, lors de rassemblements clandestins, ils s'évadent de leur quotidien grâce aux percussions, au chant et à la danse. C'est le tschiéga, chéga ou séga, d'influence Mozambique et Malgache. Au cours du XIXème siècle, l'appropriation progressive par les populations créoles des instruments occidentaux et des traditions mélodiques de l'ancienne Europe (quadrilles, valses, polkas, scottish, romances, mazurkas) ainsi que l'apport culturel des travailleurs engagés venus d'Inde vont jeter les bases du séga moderne. Ce carrefour d'influences ne va cesser de s'enrichir, en particulier à partir des années 50 qui marquent l'arrivée des premiers phonographes, qui jouent toutes sortes de variétés mais aussi du jazz, de la soul, du rock'n'roll, et même de la musique cubaine et brésilienne. Pour le séga ce sont les prémices d'une période d'intense créativité qui va couvrir les années 60 et 70.
Les instruments amplifiés débarquent, et guitares électriques, basses, batteries et claviers remplacent vite violons et accordéons. La production discographique explose et voit l'avènement de nombreux micro-labels où officient des arrangeurs de génie comme Marclaine Antoine, Gérard Cimiotti, Eric Nelson, Claude Vinh San, ou Narmine Ducap qui vont explorer le séga sous ses multiples facettes. Claviers psychédeliques, guitares fuzz et basses ondulantes s'invitent sur les furieuses polyrythmies ternaires des batteries, ravannes, bongos, claves, triangles et maracas, pour produire un style unique." Bref, un grand MERCI aux Disques Bongo Joe (une excroissance des Disques Moi J'Connais - les si sympathiques érudits suisses Mama Rosin), pour la découverte et les explications de ce trésor faramineux et ensoleillé... Dont les palmes reviennent peut-être à Claudio Veeraragoo (un mauricien qui fit ses armes 60's dans le Satanik Group) qui ici, fait groover hamond, moog et clavinette comme personne ; Joseph Louise, pour sa comptine corossol à la douceur insensée ; et surtout Roland Fatime, qui sous pseudo Ti L'Afrique, propose un insistant "Soul Sock Sega" bien plus impétueux qu'une grosse majorité des psych' rock occidentaux."
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