Il faut guetter les nouvelles du trop rare Charles Manier / James T. Cotton. Contrairement à ses sorties, celui-ci se fait peu remarquer. Tellement qu’on a d'abord raté celle-là, tellement qu’on se rattrape tout de suite juste ici.
Sorti il y a deux semaines, l’album American Manier arrive deux ans après le précédent, Electrocution, publié en 2013. Deux ans d’absence, sous ce nom seulement, car ses alias sont nombreux : James T Cotton ou J.T.C pour ses sorties acid, Dabrye pour son projet hip-hop, ou Tadd Mullinix (son vrai nom) à ses débuts. La casquette Charles Manier serait-elle dédiée à ses productions plus... personnelles ? American Manier sort justement sur Bopside, son propre label, créé récemment pour héberger ses propres projets (une collaboration avec DMX Krew est annoncée, gardez l’œil ouvert). Ce micro-label est basé à Ann Harbor, une ville située - il n’y a pas de hasard - pile sur l’axe Detroit-Chicago (une manière de dire que notre matelot ne navigue pas sans attache ?). Façonnant une musique très personnelle donc, il aborde autant l’electro-funk circa 1981 de Detroit qu’il convoque au loin les fantômes de la house, comme le font, chacun à leur manière, les Chicagoans Beau Wanzer ou Hieroglyphic Being.
On entend beaucoup de choses dans cette musique, et surtout l’influence de ce que l’EBM a de plus cracra et de ce que la synthwave a de plus décharné - de DAF à Liaisons Dangereuses, ou le maillon entre ces deux groupes CHBB à qui Chalres Manier rendait hommage sur sa dernière apparition sous ce nom. Passée la critique (facile) du passéisme (facile lui aussi), on reconnaitra une obsession légitime, des influences certes dans l’air du temps mais tellement proches de ce que l’on aime défendre, et qui replacent les choses dans une lignée. On pourrait reconnaître enfin que c’est le produit d’une scène, d’un Detroit qui fantasme ses origines et ses influences historiques. Et la confirmation d’un schéma qui se vérifie depuis les tout débuts : les Européens qui s’influencent et transforment une musique américaine (l'electrofunk, la techno), alors que celle-ci continue à être infusée de musiques indus, expérimentales et de toutes sortes de wave toutes européennes, dans une infinie partie de ping-pong transatlantique.
James T. Cotton est très discret, nous disions. Pas bavard, peu de bookings. Quelques copains, juste de quoi le rattacher à une scène. À ce niveau c’est une famille, entre le vieux compagnon de route Traxx, qui a hébergé certaines de ses sorties sur le fameux label Nation, ou leur protégé à tous deux D’Marc Cantu, avec qui il forme le duo 2AMFM. Et le légendaire Carlos Souffront, à qui il lâche volontiers des big ups en interview ou sur sa page Facebook - un autre grand oublié, souvent désigné comme "plus grand collectionneur d'acid", seulement sorti de son Detroit cet été pour une toute première venue en Europe. Chicago, Detroit, la boucle est bouclée, on s’arrête là pour la sociologie des réseaux de comptoir.
On se demande toujours si le titre American Manier est un mauvais jeu de mot, on est à peu près certains de tout le reste. L’album, sorti le 27 novembre chez Bopside, est en streaming juste en-dessous :
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