On ne peut décemment pas passer à côté d'une musicienne qui a décidé d'adopter le blaze "Machine Woman". Le geste est trop beau, trop juste, trop fort. 38 ans après The Man-Machine de Kraftwerk, 20 ans après le clip ébaubissant de Chris Cunningham pour le "All Is Full of Love" de Björk et entre deux retours de vague d'un déferlement de productrices, compositrices, expérimentatrices dont on espère qu'il finira par aboutir à cette vraie parité spontanée qui fait encore ricaner du côté du rock, la Russo-britannique Anastasia Vtorova est la première à revendiquer la persona de la gynoïde prométhéenne du Metropolis de Fritz Lang et on ne peut s'empêcher d'y voir un symbole.
Car il est bel et bien fini, ce temps où les DJettes et productrices de musique techno devaient à tout prix imiter ou se distinguer de leurs comparses bro à gros pectoraux pour exister. Le cyborg n'est peut-être pas le futur de l'homme, mais comme l'explique en détails la théoricienne féministe Donna Haraway dans son Manifeste cyborg (1991), il pourrait bien être celui de la femme. Avant d'appuyer sur "play" sur le player Soundcloud ci-dessous, visualisons donc Vtorova en Femme-Machine vêtue en rouge et noir sur la pochette de Die Frau-Maschine parce que c'est sans doute comme ça qu'elle se voit quand elle compose sa musique transhumaine sur ses machines de guerre.
D'après ce qu'on sait d'elle, Vtorova a grandi à Saint-Pétersbourg à l'époque où la ville s'appelait encore Leningrad et aurait viré vers la techno à cause des skylines brutalistes de sa périphérie autant que son amour pour Boney M. Tout autant à l'aise sur le label techno-sociopathe du Suédois Peder Mannerfelt (Fever Ray, Roll the Dice, The Subliminal Kid) qu'elle l'était sur le label des weirdos de Gnod pour sa première cassette, Machine Woman verse tout au long de For Sweden dans une musique électronique glaciale et grinçante, technoïde dans quelques entournures (kick sur tous les temps, sirène en boucle, tempi mixables easy) mais trop occupée à s'interroger sur ce qu'elle peut bien vouloir dire de l'humanité pour s'obséder de la mission de nous faire danser. Ça sort ces jours sur Peder Mannerfelt Produktion, donc, et ça s'écoute ci-dessous en entier.
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