Chaque année, c'est la même histoire: on se barre à peu près au moment où le tempo de l'actu décélère jusqu'au point mort en se disant que rien ne se passera dans notre dos pendant qu'on se la coule douce au bord d'un lac de montagne, puis c'est la panique totale quand on rallume les iMacs trois semaines plus tard. Cet été 2015 ne déroge pas à la règle, puis les disques, les nouvelles et les comz de bâtard ont continué à s'accumuler même pendant la première moitié du mois d'août. Dans la panique et l'excitation, voilà donc ce que nos équipes ont retenu de l'actu pendant la soi disant trève estivale, avant de se jeter pour de bon dans le bain délicieux du tout neuf tout chaud dès demain matin.

- Les indispensables Wolf Eyes (dont il faudra bien que le grand public indie réalise qu'ils sont l'un des groupes les plus essentiels de ces vingt dernières années) ont annoncé la sortie de leur quantième tenebris opus chez Third Man, le label 100% craft bourbon et bois précieux de Jack White et on trouve que c'est la meilleure nouvelle "pop" depuis que 2015 a commencé.

- Auréolée de son apparition spectrale dans le sublime Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, Joanna Newsom a annoncé la sortie de son nouvel album, Divers, en octobre sur Drag City avec la plus belle chanson de Kate Bush depuis deux décennies.

 
- Avec un nom de groupe emocore des années 2000, Deaf Wish remplit parfaitement la case « Jay Mascis joue dans Sonic Youth ». Pain est sorti le 8 août chez Sub Pop, ce n'est pas une raison pour ne pas l'écouter.




- Parallèlement à la sortie miraculeuse et inespérée de Backwards, album légendaire de Coil enregistré dans les studios de Nine Inch Nails entre 1992 et 1996 mais resté dans les cartons dans sa version intégrale pour d'obscures raisons de business, deux membres essentiels de la galaxie coilesque ont annoncé la sortie de leur nouvel album respectif: Tim Lewis alias Thighpaulsandra, grande gigue mystique également passée par la case Spiritualized dont on attendait des nouvelles discographiques depuis 2007, et Drew McDowall, ancien membre des Poems et de Psychic TV dont la dernière expérience musicale avec Tres Warren de Psychic Ills, le duo post-indus Compound Eye, a donné quelques très beaux disques chez Mego et The Spring Press. Le premier sort chez Mego, le deuxième chez Dais Records, et les deux mis bout à bout devraient nous emmener tout doucement vers les premiers frimas de l'automne noir et sans pitié.
 



- Dan Bejar alias Destroyer, toujours la plus belle voix de l'indie rock en activité, semble désormais décidé à prendre la place laissée vacante depuis le trépas de Lou Reed. Le souci c'est qu'il a décidé de ramener le E Street Band de Springsteen pour l'accompagner.





- Si vous vous demandez comment on peut réussir toutes ses mixtapes et rater son premier album, demandez à Migos, pas à Gunplay qui a donné à la rue l'album qu'elle attendait (et permis à Curren$y de confirmer son statut de meilleur sixième homme du circuit).




- Réédité pile-poil pour enfoncer le clou du renouveau indie noise jangle truc en provenance d'Australie (dont la sortie du nouveau Kitchen's Floor chez Bruit Direct devrait être un épisode important, on en reparle vite), le premier album des post-punk-rockers de The Scientists chez Numero Group a tout pour faire craquer le vieux mélomane aigri qui râle sur tout, même les rééditions de ses disques préférés. Enregistré à l'orée des 80's à Perth, à 4000 kilomètres de Sydney, The Scientists aurait autant marqué les esprits aussie que Television ou Damned de notre côté du monde. Il suffit d'écouter 10 secondes du morceau ci-dessous pour capter pourquoi.




- Envers et contre tous ces mecs qui sont passés de la moustache ironique au costume trois pièces et qui prétendent ne jamais les avoir aimés, on a décidé de s'enthousiasmer pour le nouveau Battles, La Di Da Di. Peut-être parce qu'on tient la plus belle pochette de l'année. Surtout parce que c'est l'énième disque aride, compliqué d'un grand groupe qui fait tout à l'envers. On en reparle.




- T'imagines : si Chief Keef n'avait pas tout fait pour casser son deal à 7 chiffres avec Interscope, il se serait retrouvé sur le nouveau Dr Dre, entre The Game et Eminem – au lieu de ça il sort des mixtapes gothiques qu'on réécoutera dans dix ans #ohwait.




- La techno nous a ré-habitués à écouter les sorties de certains labels les yeux fermés comme à la grande époque des Dischord, Jade tree et Fat Wreck. Ce qui nous a fait nous dire quelque part vers la fin du mois de juillet qu'on n'aurait jamais dû lâcher Relapse qui envoie la sérieuse purée avec Publicist UK, soit le plus court chemin entre Neurosis et Joy Division.

- Une fois de plus, d'étranges circonstances cabalistico-météorologiques nous auront fait passer à côté de la sortie d'un disque de Sleaford Mods, et ce malgré le fait qu'on se range sans hésiter derrière les 95% d'autres médias spécialisés en activité qui considèrent qu'on tient là l'un des plus importants nouveaux groupes pop à être apparu dans le morne tissu urbain britannique ces dernières années. Key Markets fait déjà un tabac et c'est amplement mérité.

- Julio Bashmore a sorti quelque part pendant la première moitié du mois d'août son premier album et le disque de house filtrée que Kojak, Demon et les Dax Riders n'ont pas osé sortir en 1999. Ça a l'air de faire plaisir à deux, trois gus à Mykonos. Et un peu à nous, même si on a préféré prendre la pluie dans la tronce à Port-Joinville.




- Duo châton formé par Cate Le Bon et Tim Presley (de White Fence notamment), Drinks fait dans le très bien écrit / très bien chanté. Bon si vous voulez un truc original, passez votre route, mais comment peut-on avoir le coeur à chercher des crasses à un groupe qui s'appelle "boissons"? 




- Qui d'autre que Four Tet pour faire "un événement" avec deux morceaux de vingt minutes tout en majeur et en samples de b.o. Bollywood? Pas un grand truc mais un truc très agréable tout de même, Morning/Evening a sûrement accompagné beaucoup de trajets en train entre Saint-Jean-de-Luz et Bordeaux cet été.

- Petit à petit Panda Bear devient le Mariah Carey de l'indie : soit une voix reconnaissable entre mille qui ne s'emmerde plus à faire des bonnes chansons parce que bon, qui a le temps, franchement? On a tout de même beaucoup écouté « Jabberwocky », le summer hit de quelques membres de la rédaction. Crosswords sort en physique en novembre, mais il se streame déjà sur Spotify et assimilés.

- En invitant un Stereolab et un Broadcast sur leur nouveau disque et en disant publiquement du mal d'Arcade Fire, les Deerhunter ne font pas grand chose pour qu'on ne les aime pas. Fading Frontier sort le 16 octobre sur 4AD.

 

- Tamaryn, toujours le meilleur groupe du revival shoegaze actuel, tente son album synthétique (avec Cocteau Twins dans le viseur). Ca sonne des fois comme Mylène Farmer (époque Boutonnat), ce qui n'est pas un problème pour l'auteur de ces deux lignes.

- Chanteuse (ex ?) et bassiste des d'abord géniaux puis irritants Dirty Projectors, Angel Deradoorian sort un premier album qui devrait ravir les fans de Chris Cohen, Broadcast et Cryptacize (soit 8 personnes, dont 2 chez The Drone). Bonus 2004-la-meilleure-année-de-ta-vie, il sort sur Anticon, con. 




- Une fois de plus, le brillant Oneohtrix Point Never annonce la sortie de son nouvel album de la plus belle manière qui soit, c'est-à-dire de manière totalement opaque et incompréhensible pour le commun des gens qui zonent sur Internet. Il s'appelle G.O.D. (pour "Garden of Delete"), il serait inspiré par les déboires cosmiques vécus par Daniel Lopatin en tournée avec Nine Inch Nails, et il sort le 13 novembre sur Warp.

- C'est prévu le 18 septembre chez Sacred Bones, c'est enregistré dans le désert américain et ça s'annonce comme le meilleur disque "trois onglets youtube ouverts en même temps" de la rentrée: c'est le nouveau Destruction Unit, bébé.

- Ce n'est pas parce qu'on l'a croisé quelques fois en caleçon de bain cet été (ok, c'est un mensonge, le mec tient en jean brut même en plein cagnard) que Ron Morelli ne fait rien de son temps libre. La preuve avec ce troisième album en moins de deux ans qui sort de nouveau sur le Hospital Productions de Prurient qui nous fait déjà méchamment culpabiliser de toutes ces débuts de soirées passés à enfiler les verres de Rioja en regardant le soleil se coucher.

- Au détour d'une écoute accidentelle de leur nouveau Depression Cherry, on s'est rendus compte à quel point Beach House valait mieux que son public gluten free. Comme les Ramones, Beach House fait toujours la même chanson, et elle est putain de belle.

- Toujours en tête de la liste des labels dont on offrirait volontiers le catalogue complet aux gens qui comptent dans nos coeurs et à toute leur famille si on avait les moyens de le faire, le Ghostbox de Jim Jupp et Julian House fêtera bientôt ses dix ans avec une compilation de proto-hits de son catalogue. C'est le moment ou jamais d'investir.
 

- Sans prévenir personne même pas sa très chère maman ni le Président des Etats Unis d'Amérique, ce bon vieux James Ferraro a lâché sur Soundcloud un inédit de 9 minutes manifestement improvisé les yeux fermés sur un piano MIDI un soir de canicule alors que son coeur saignait de désespoir après une rupture brutale ou la re-vision de la dernière saison de NYPD Blue. Curieusement, le monde occidental dans son ensemble a l'air de s'en foutre pas mal.

- Qui aurait cru que la parution au milieu de l'année 2015 d'inédits tous plus glaciaux et gringalets de Miss Kittin & The Hacker nous ferait autant plaisir? Finalement assez loin de tous ces clichés electroclash dont on croyait se souvenir que c'est le duo grenoblois qui les avait semés en premier dans le monde avec "Frank Sinatra", ces Lost Tracks éditées par l'excellent Dark Entries nous rappellent surtout à quel point la mélancolie des deux pépères était précieuse, singulière et, ouais, éminemment française.

- Ok, cet énième album du petit con de San Diego Kid 606 est sorti en avril, mais il est aussi passé complètement inaperçu. Alors une cover de Brian Eno peut-elle être mauvaise ? A fond, mais ce n'est absolument pas le cas pour cette relecture zenissime de son premier chef d'oeuvre ambient-avant-qu'il-ait-l'idée-d'appeler-ça-l'ambient.