Ne désespérons plus de l'inouï. Ici ou là, les fabricants de musiques jamais entendues par l'oreille humaine continuent de trimer, et ce malgré les très sévères difficultés rencontrées dans nos années 2010 par la notion même de modernité (où est-elle? est-elle encore quelque part?) alors que notre présent trop présent ne cesse de se défiler.
Où je veux en venir avec ces grandes phrases? Certainement pas au bout d'un raisonnement qui expliquerait de manière définitive l'absence très problématique, en 2014, d'une vraie avant-garde musicale encore apte à infuser dans la culture pop, à discuter avec une société qui s'intéresserait encore à elle voire qui ne ferait pas ricaner; seulement à saluer les efforts très forts et très émouvants de Katie Gately pour pondre une musique électronique à la fois sensible, hyper moderne et sûre de ses incertitudes formelles.
Pluridisciplinaire, pop, performeuse, cette sound-artist californienne qui a fait ses débuts dans le sound-design pour le cinéma et qu'on aurait un peu vite fait de comparer à Björk ou Julia Holter utilise effectivement sa voix comme premier matériau sonore mais pond surtout des matières, des reliefs et des couleurs ébaubissants de puissance, de lyrisme et d'étrangeté comme peu d'explorateurs contemporains de la musique électronique arrivent à en produire.
Mélange de delirium de diva arty tradi (cette axe mal aimé qui va de Cathy Berberian à Kate Bush en passant par Nina Hagen ou Laurie Anderson) et d'extreme computer music à la Hecker, Schmickler et co., le monstre électronique qu'elle offre à Fat Cat pour sa magnifique Split Series nous électrise entièrement de l'arrière du crâne jusqu'au bout des orteils. Et à l'inverse de la plupart des "pièces longues" qu'on peut trouver sur la plupart des disques d'ambient et d'avant-garde casual qui sortent (et qui s'achète sur Boomkat), ce Pivot plein de chausse-trappes et d'aberrations spatio-temporelles s'assume surtout comme l'aberration grandiose et compliquée qu'il est.
En toute objectivité, on a entendu peu de choses plus bluffantes cette année; pour appuyer notre propos, on inclut également ci-dessous un rip de Pipes, pièce plus ancienne de Gately parue en 2013 sur le label de cassette Blue Tapes tout récemment réédité.
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