Que les connaisseurs nous pardonnent, on a été très long à la détente pour vous parler de ce vrai beau événement qu'est le premier album officiel de Kyle Hall.
La raison en est à la fois simple et compliquée: on aime plutôt bien la musique de ce wonder kid de Detroit, on suit volontiers ses activités de musicien et les actualités de son label Wild Oats; mais vie-sur-internet oblige, on est aussi passablement saoulés par les cotes délirantes des artisans house de Detroit dès qu'ils sont sociopathes (=ils sont encore sur myspace), qu'ils font des maxis lo-fi (=ils enregistrent leurs morceaux comme des cochons) et qu'ils sont adoubés soit par Omar S, soit Theo Parrish, soit les deux.
Je comprends très bien que la nation house soit en crise d'identité, qu'elle ait une culture à faire valoir et qu'elle ressente le besoin de poser des digues entre sa progéniture la plus pure et les cohortes de gros beaufs qui beuglent à sa porte. Mais qu'on nous pardonne encore une fois, le scrupule qui est la troisième corde de notre métier nous pousse à la méfiance, et les gens qui brandissent leurs maxis d'Omar S achetés 50 euros sur discogs comme leur chemise de jeune créateur en seersucker nous énervent un peu, beaucoup, à la folie, passionnément.
Tout ça pour dire que la première écoute (en ligne) de The Boat Party fut empreinte d'ennui et de frissons sardoniques. Alternant exercices ghetto martiaux et ultraminimalistes à la Steve Poindexter et gribouillis à samples façon DJ Sneak (rappelez-vous, cet über produceur de Chicago responsable à 47,6% de la formule Daft Punk des débuts), l'album semblait largement conçu comme une machine de guerre lancée à l'assaut de nos nerfs.
Quelques semaines plus tard, abrakadabra, nous revoilà la queue entre les jambes à admirer le moindre pattern, la moindre texture de cymbales de boîte à rythmes écrasée comme on ausculte les coups de pinceaux d'un Fra Angelico en quête d'un message divin à déchiffrer.
Que s'est-il passé? On n'est pas bien sûr, mais on se rappelle du sésame: ce "Crushed" magique qui fait la clé de voûte au milieu de l'album. Construit autour d'un swing vaporeux et d'une boucle de new jack formidable, c'est un modèle d'équilibre et de délicatesse. A l'aune de la pépite, tout nous est devenu logique et merveilleusement inspiré. Est-ce à dire qu'on tient là un futur classique et qu'on s'était méchamment fourvoyé dans la mauvaise foi en premier? Quelque chose me dit que la vérité est ailleurs, quelque part entre les grimaces des vieillards du Muppet Show et l'alléluia de bigot illuminé.
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