Que vous soyez un consommateur assidu, régulier ou très ponctuel de porno, il y a 98% de chance que la première image qui vous vienne en tête quand on vous demande de visualiser une actrice lambda dans un film soit "une blonde, blanche avec des gros seins".
Titillé par le fond factuel de ce sentiment, le "détective d'idées" compulsif Jon Millward a sorti la grosse artillerie: 10,000 profils démographique et filmographies d'acteurs et actrices (7000 dames, 3000 monsieurs) pêchés sur l'IAFD, IMDB du porn US qui tient à jour les fiches et critiques de plus de 120,000 films et 115,000 profils d'acteurs et actrices. Consciencieusement, il en a extrait data démographiques divers (mensurations, corpulences, origines ethniques et sociales, pratiques) pour en recouper la substantifique moelle et établir en quelques grands traits un portrait plus approchant du porno américain. Vous allez voir, c'est surprenant.
Premier fait qui tord d'emblée le cou au cliché de la Californienne à gros seins qui squatterait les grosses productions et les gonzos à deux dollars: 39,1% des actrices sont brunes, et seulement 32,7% blondes. Si l'on rajoute les 22,5% d'actrices à cheveux "noirs", ça fait 2 actrices aux cheveux sombres pour 1 blonde. Millward avance deux raisons pour notre myopie sur le sujet: le stéréotype américain selon lequel la blonde à gros seins serait naturellement plus libérée et plus encline aux "expériences", et le fait que la plupart des stars mises en avant par les studios (pensez à Jenna Jameson) seraient faites de ce bois particulier.
De même pour la taille du bonnet: le tour de poitrine moyen est, en unité américaine, 34B, soit un petit 90B, et les mensurations moyennes sont 90 - 68 - 90, cest-à-dire plutôt celles de Rihanna que de, hum, Beyoncé (qui pousse jusqu'à 108 au niveau des hanches, nous informe, scandalisé, un site féminin). Pour l'éventail, Millward note avec malice que l'actrice la plus légère recensée sur l'IAFD pèse le poids moyen d'une petite fille américaine de 10 ans, et la plus grosse le poids de 2 pandas.
Le fait suivant est plus tristement prévisible: 70,5% des actrices américaines sont bien caucasiennes, même si les "races" restent un élément fétiche de choix. Car avant d'être une preuve tangible de diversité des publics, les origines ethniques des acteurs et actrices sont en premier un accessoire parmi les autres, et sont le plus souvent associées à des classes sociales, des communautés et des corps de métiers.
Signe des temps et de l'évolution des pratiques, en 40 ans, l'âge moyen de la débutante dans le porno n'a pas changé (22 ans) quand l'âge de la retraite a considérablement baissé: les hommes ont tendance à rendre le tablier après quatre ans de carrière, les femmes trois. A titre de comparaison, la durée moyenne d'une carrière d'actrice dans les années 70 étaient de 9 ans. La raison? Emergence du hardcore, précarisation, démultiplication des médias hyper spécifique. Luke Ford, ancien colonniste insider du porno californien cité dans l'article, explique: "La plupart des filles qui entrent dans l'industrie du porno arrêtent après une vidéo. L'expérience est si douloureuse, terrifiante, embarassante et humiliante pour elles qu'elles ne recommencent même pas une deuxième fois".
Le prénom d'emprunt le plus usité est "Nikki" pour les femmes, "David" pour les hommes (petit fait allogène, le pseudonyme le plus utilisé chez les escort girls britanniques est Chloé. Comme quoi, à chaque milieu ses références culturelles et ses statues de cire). Pour le nom de famille, c'est curieusement le même pour les hommes et les femmes: "Lee". Comme Tommy. Dont on connaît tous la seule et unique expérience en territoire pornographique.
Pour les pratiques affichées sur les CV des dames et demoiselles, je vous laisse consulter le graphique. Vous noterez que 11% des actrices acceptent d'uriner sur leur(s) partenaire(s), mais que 6% de moins acceptent de se faire uriner dessus. Peu d'autres surprises de taille si vous traînez un peu sur Youporn and co, mais une remarque subsidiaire intéressante permettra à nos lectrices de mesurer leur modernité: 62% des actrices pratiquent la sodomie au moins une fois pendant leur carrière (généralement 6 mois après avoir commencé), quand en 2010, 32% des Américaines déclaraient avoir pratiqué le sexe anal avant l'âge de 24 ans, dont un tiers dans le mois précédent l'enquête.
Fait suivant calculé d'après l'occurrence des mots "butts" et "boobs" (ainsi que tous leurs synonymes) dans les titres de films, l'intérêt manifesté pour les derrières caracole non-stop en pole-position devant celui pour les seins depuis 1991 (même si les courbes ont failli se croiser en 1995), et l'écart s'est considérablement creusé à partir de 2003.
Egalement extirpé de la totalité des titres de films repertoriés sur la bande de données de l'IAFD, l'âge moyen de l'actrice qui joue une MILF est 33 ans. De manière un peu plus inquiétante, 20% des actrices qui interprètent les femmes mûres sur nos écrans ont moins de 25 ans (donc à un ou deux ans près le même âge que leurs collègues qui jouent des "teens") et 7% seulement ont plus de 40 ans.
Un chouilla moins scrupuleux sur la méthode, Millward conclue son enquête en morphant ensemble les 10 visages des porn stars les plus successful du moment. Conclusion: le visage de la "porn star moyenne" est doux, sympatique et rigoureusement le même que celui de la plupart des comédiennes des séries ABC Family. C'est-à-dire exactement là où Harmony Korine a fait son marché pour le casting de son nouveau Springbreakers. Je crois que je commence à comprendre où il veut en venir.
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