C'est la merde crossover dont on parle dans tous les tuyaux en Angleterre, et comme à chaque fois, on ne va rien y capter chez nous. Car il y a bien une sorte de conflit cosmologico-esthétique qui gronde entre Albion et le Continent depuis une éternité, une incompatibilité au niveau subatomique qui concerne à peu près tous les trucs dance-pop calibrés pour Radio 1: dès que ça sent un peu fort Sade (la chanteuse smooth, pas le topographe de la perversité), la rave ou les restaus indiens de Whitechapel, le Non-Britton se cambre et se bouche les oreilles, généralement écoeuré par cette image d'une Grande-Bretagne qu'il refuse de reconnaître parce qu'elle n'a rien à voir avec les Mods, la new-wave ou le Stilton. Le minet two-step Craig David excepté, il a ainsi repoussé toutes les gamines éduquées dans les clubs (de Sugababes à Katy B) en pretextant le fossé culturel, mais applaudit toujours des deux mains "l'audace" de Coldplay ou d'Eugene McGuiness (le type qui sample le sample de Peter Gunn d'Art of Noise ou reprend Lana Del Rey trois mois après la sortie de son album).
Tant pis pour lui. A The Drone, où la dance londonienne nous rend alternativement tout turgescent ou somnolent à une cadence proche de celle des montagnes russes des parc d'attraction Six Flags, on est perpétuellement intéressés par les soubresauts des charts dance et la manière dont les faiseurs de viande FM anglais communiquent avec ce qui fait vibrer la toujours vivace jeunesse post-post-post-post rave qui boît des softs et gobe des psychotropes. Enième preuve avec Jessie Ware, gamine aux traits prématurément émaciés que la plupart des médias hip et/ou propres sur eux (le Guardian en tête) célèbrent en boucle depuis son premier single.
Révélée en premier comme lead chanteuse de la galaxie post-dubstep (sur les disques de SBTRKT ou Joker), produite à l'occasion par le rouquin Julio Bashmore ou le label Numbers, elle revendique sans état d'âme avoir vu la lumière dans les soirées jungle de Brixton mais sa musique ressemble à un amas de faces B de Sade toutes trempées dans un bain très froid de snobberie deep typiques qui confortera sans souci les aficinados de r'n'b US au fromage fondu qu'ils n'ont pas besoin de se mettre à son glacial cousin anglais.
Eux aussi ils ont tort. Sans atteindre les cîmes annoncées par les médias anglais, Devotion est, dans sa moitié écoutable, un tour de force britannique comme on les aime, totalement artificiel, épatant, débordant par tous ses pores de ce délicieux complexe de superiorité qu'on est toujours bien en mal, en France, de savoir imiter, malgré Phoenix, malgré Zdar, malgré Eric Cantona. On vous met le clip de "110%" parce que "Wildest Moments", le tout dernier en date de la minuscule diva, est vraiment trop vilain, mais on vous jure que l'album est bien.
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