Dans l'histoire de la house, comme dans n'importe quel autre pan de l'histoire, les angles morts sont généralement au moins aussi intéressants que la grosse autoroute de la postérité. C'est tout particulièrement vrai pour la house de Chicago, qui fut elle-même longtemps considérée comme un sous-genre peu recommandable de la dance mondiale, et ce malgrè son statut indiscuté de pionnière. Ça étonnera sans doute les nombreux aficionados de moins de 30 ans qui ont épluché les catalogues de Trax & co. via les beaux livres ou les anthologies sur papier glacé de Soul Jazz, Rush Hour et affiliés, mais la house de la Windy City avant que Larry Heard ou DJ Pierre viennent en secouer les formes fut d'abord cette saloperie trashy, trop commerciale et hédoniste de l'histoire des musiques électroniques.
Et puis Dieu merci le temps et les universitaires ont fait leur office, on a remplacé le mot "vulgaire" par le mot "ghetto" et à l'instar du new-age ou de l'italo disco, la house de Chicago est passé d'item historique un peu embarrassant (rappelez-vous cette époque où les maxis des bandes Crème et Clone faisaient grincer des dents) à celui d'horizon de désir absolu pour la jeune génération: du Berghain à Fabric en passant par le Social Club, plus aucun DJ d'aucune école house ou techno sur la Terre n'est en droit d'ignorer l'héritage de la jackin' house, à tel point que la voix haut perchées de Byron Stingily et les roulements de toms de 606 ont largement remplacé les divas 90s et les prods léchées des Masters at Work dans les clubs branchés.
Or la house de Chicago a ses propres marges et ses propres angles morts qui nous excitent nettement plus qu'un énième boxset Trax Records. Troussés par Jerome Derradji, Chicagoan d'adoption qui nous a déjà offert un indispensable florilège des jumeaux Chicago Connection et Mitchbal Records, Kill Yourself Dancing - The Story Of Sunset Records Inc. Chicago 1985-89 et Bang the Box - The (Lost) Story Of AKA Dance Music. Chicago 1987-88 sont deux recueils de tracks apocryphes qui, s'ils n'ont pas les atours affriolants d'une anthologie Nu Groove par exemple, empilent suffisamment de pépites inconnues pour rendre maboul n'importe quel junkie des catalogues et sous-catalogues de Precision, Alleviated ou DJ International.
Fondés successivement en 1985 et 1987, Sunset Records et AKA Dance Music furent les aires de jeu de Matt Warren et Miguel "Michaelangelo" Garcia, acteurs mineurs mais point du tout déshonorés de l'être de la scène qui virent la lumière au Power Plant de Frankie Knuckles. Pour vous situer l'importance de la semi-penombre où agissaient ces gamins, la table de mixage de Farley "Jackmaster" Funk et le studio de Ralphi Rosario n'étaient jamais très loin. Tour à tour bitchy, franchement deep et à la limite du douteux, le tracklisting est d'autant plus irresistible qu'il flirte d'un côté avec la grâce du superclasse, de l'autre avec la pacotille totalement assumée. On a l'honneur de vous streamer en exclusivité trois extraits des deux compilations et un mini-docu tourné sur place avec Warren et Garcia eux-mêmes.
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