Qui est Jean-Louis Costes? Ce qu'on retient de ce court documentaire surgi des internets il y a deux jours, c'est qu'au-delà de son incroyable radicalité et du milieu d'où il a émergé - celui de la musique expérimentale francilienne des années 90 - on a affaire à l'un des artistes les plus importants du 20ème siècle; le seul en tout cas à avoir réussi l'exploit de se faire haïr par la niche mélomane susceptible de l'écouter en se faisant passer pour un vrai raciste et en parlant extensivement de caca dans ses chansons, et à se faire aduler par l'autre moitié pour exactement les mêmes raisons.
Jean Louis Costes est né au milieu des années 50 dans un milieu petit bourgeois. Il a quitté définitivement son bureau d'architecte au milieu des années 80 pour se consacrer à la musique et à la performance. Mille raisons et mille explications ont été avancées pour expliquer son oeuvre, des revues très chics d'art contemporain aux interviews les plus obscures sur les forums à l'interface la plus dégueulasse. Celle qu'on retient précisément c'est que le gros de son travail notamment bataillien consiste à explorer dans ses moindres recoins les zones les plus reculées de l'humanité (de la nullité crasse à la folie pure et dure) et à nous rappeler sans cesse "que tout homme, sous le vernis social, recèle en lui un potentiel de sentiments et d'actions contradictoires et extrêmes".
Ce que Costes fait inlassablement depuis bientôt trente ans, c'est racler le fond du fond du seau, d'abord par la musique qu'il compose puis par le biais de ses opéras bizzaroïdo-porno sociaux, dont les deux principaux, Litlle Birds Shit et le Culte De La Vierge. Ce dernier, pamphlet sur la dévotion à outrance met en scène Costes en prêtre halluciné, agenouillé devant une vierge poupée gonflable. Et quand il écrit Mon Grand-Père Fasciste Raciste Anti-Français, biographie flippante de son grand-père arménien, on espère naïvement pouvoir contempler l'oeuvre dans son entier par le petit bout de la lorgnette, trouver une explication psychanalytique qui justifierait tout, mais la nouvelle opacifie encore le brouillard dans lequel nous laissent 99,9% des objets qu'il commet.
Sacré roi à vie de l'underground parisien, Costes a aussi connu son moment de grâce auprès d'une certaine intelligentsia. Il a publié un premier roman chez Fayard et il a posé sa crotte à plusieurs reprises dans des films pas géniaux qui s'inspiraient de son travail, Baise-Moi de Virginie Despentes, et l'Irréversible de Gaspard Noé. Puis il a chié, au figuré, sur Dupontel et Cassel après avoir joué avec eux, et le soufflet branché est un peu retombé.
Tout dernièrement, Costes a donc sorti un album CD-reliquaire qui s'appelle Cul Crucifié (avec des cheveux, du sperme et du sang qui lui appartiennent apparemment) dans lequel il revisite, réadapte et blasphème allègrement des chants grégoriens. Dans toutes ses interviews, Costes dit clairement qu'il "plonge dans la nullité", qu'il ne cherche pas à faire sens, qu'il ne connait pas les raisons profondes de ses moyens d'expression, que le message ne lui appartient pas puisqu'il lui est inconnu. Dans l'absolu, on entend bien les critiques d'art et de littérature, les spécialistes de Bataille se pâmer devant l'intelligence de sa dénonciation du religieux et de la dévotion excessive, du racisme, de cet amour du rituel; mais c'est toute la grandeur de l'oeuvre de Costes d'échapper à ces exégèses simplistes et de de voler en éclat dès qu'on tente de lui appliquer théorie et jus de cerveau. Ce que ne fait pas ce petit film passionnant, dont on espère sincèrement qu'elle convertira un ou deux néophytes de passage.
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