Sommes-nous plus créatifs vierges de toute référence, ou érudits ? Ca sonne comme un sujet du bac de philo, mais c’est sur ce terrain là que nous a amené James Singleton, alias James Pants, lorsque nous sommes partis à sa rencontre lors de la dernière Villette Sonique. La question se pose pour tout particulièrement pour notre interviewé lui-même, lui qui est le parfait mélange de l’autodidacte absolu, tout à l’instinct, et du crate digger totalement au fait des plus sombres sous-strates du monde tortueux de la production musicale.
Si l’on peut regretter de n’avoir eu le droit qu’à un DJ set – certes, plutôt pas dégueu et même foutrement drôle -, et donc d’avoir manqué l’animal en compagnie du backing-band qui d’habitude le soutient, c’est tout de même avec excitation que l’on attendait cet étonnant personnage. Protégé de Peanut Butter Wolf, le mighty fondateur du label culte Stones Throw, pilier du hip hop indie (Madlib et MF Doom sont les deux tauliers maison), le kid de Spokane, dans l’état de Washington, n’aurait pas forcément dû se retrouver derrière des platines ou des synthés.
Fils d’un pasteur presbytérien, élevé dans la foi et dans respect du p’tit Jesus, peu de choses prédestinaient le jeune James aux musiques modernes qui sont, comme chacun sait, l’oeuvre du Malin. Cela dit, coup de bol, les parents sont suffisamment relax pour laisser le gamin tapoter sur des claviers et des TR808, puisque ça l’amuse. Tout bascule en 2001, alors qu’il est au lycée à Austin, Texas (oui, les pasteurs, ça circule pas mal). Le soir de sa prom, il quitte le dancefloor où l’on passait sans doute Hanging By A Moment de Lifehouse, Lady Marmelade ou une cochonnerie du genre, embarque sa date et file dans un club du coin, où se produit le fameux Peanut Butter Wolf.
L’élève rencontre le maître, et le courant passe magnifiquement bien, le jeune James emmenant même son idole faire le tour des magasins de disques locaux dans la foulée. Du coup, ils passent un deal: une fois diplômé, ce qui allait arriver sous peu, James rejoindra son nouveau meilleur ami pour devenir stagiaire officiel de Stones Throw. Après quelques temps passés dans les bureaux, et surtout un maximum de soirées passées soit derrière ses platines, soit dans son home studio, il accouche d’un premier titre, sort une poignée de singles sur l’éminent label, participe à des compils, et finit par aboutir à la consécration suprême: un premier LP, baptisé Welcome, qui paraît en 2008.
De là, tout s’enchaîne, le garçon étant plutôt du genre productif. Et pour cause, il se voit comme la version pop des compositeurs d’Adult Contemporary de jadis (ce que chez nous on surnomme, de façon assez réductrice, “easy listening“), et pond de la musique au mètre dans l’esprit classique de la “mood music” des 50′s-60′s, à ceci-près que la seule “mood” qui compte, c’est la sienne. C’est ainsi qu’il va dégainer un deuxième disque dès 2009, le très dark Seven Seals, né, selon son propre aveu, “de la lecture du livre des Révélations (aussi appelé Apocalyse, NDLR) et de l’envie de créer un culte“. Oui, le presbytérianisme, ça ne laisse pas indemne.
Après avoir intensivement tourné, s’être bâti une réputation de showman, s’être attiré les faveurs de gens de goût tels que Flying Lotus ou Tyler The Creator, s’être marié, reproduit, puis avoir déménagé à Cologne pour bosser comme ingé son au service d’une célèbre marque de boisson énergisante qui, paraît-il, donne des ailes, James Pants a trouvé le temps de mettre sur pied un troisième disque (à écouter intégralement ici). La chose a bien failli s’appeler Love Craft, mais Super Furry Animals avait déjà fait la même blague en 2005. Il sera donc éponyme. Il est surtout très bon, inspiré par la pop pour diners des 50′s-60′s, Twin Peaks, et un trio de Gary plus ou moins connus: Davis, Numan et Wilson.
En résumé, c’est un peu le bordel, à l’image de l’esprit du principal intéressé, qui nous a confié avoir eu quelques désordres mentaux par le passé. Et on ne peut décemment pas lui reprocher de faire une musique qui lui ressemble: désordonnée, sensible, et surtout, tout naturellement, aussi instinctive qu’érudite.
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