James Ferraro toujours fascine et ravit. Orchestrateur de l'illustre Far Side Virtual et d'albums post-trap, fantastico hip-hop transdimensionnels et de collages multiscreen (Sushi, Cold), d'autres dans une veine jazz-fusion, lounge, post-metal et dépressifs, NYC, HELL 3:00AM et Skid Row (adjoint à la shitlist de l'année dernière, bien qu'il mérite une révérence imho), James Ferraro s'est toujours rendu imprévisible. Un trait de caractère qui colle à la peau de sa prolifique discographie et qui ne faillit pas sur "Ten Songs For Humanity", premier extrait dévoilé d'Human Story 3, sa nouvelle besogne imaginée au beau milieu d'un entrepôt de gestion des colis Amazon dans les clouds mousseux d'un latte macchiato encore fumant.

Annoncé il y a un petit mois à travers un premier trailer, Human Story 3 semble aussi bien rappeler Ferraro à Far Side Virtual, son opus le plus fameux et premier à être paru sur Hippos in Tanks, qu'à l'en éloigner vers des confins d'hyperréalités encore inexploités. Dans un court postulat accompagnant l'album (auto-édité) sur Bandcamp, Ferraro annonce la couleur de ses notes et le ton des onze pistes de ce nouvel opus : "Nous avons vu l'invention du latte, du yoga, du cloud computing, nous nous sommes vus dans une diversité pléthorique d'espaces artificiels et de simulacres commerciaux, laissant l'humain en crise et son avenir dans un crépuscule perpétuel. Jusqu'où l'aventure humaine du 21ème siècle ira-t-elle ?"

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"Ten Songs For Humanity" marque un tournant d'instrumentation assez significatif de la part de Ferraro : abandon des fusions saugrenues multi-genres à toutes les sauces, des basses pesantes triturées sur des vieux albums de hip-hop 90s et des voix plaintives. Le musicien a tout délaissé pour une aubade épique et carillonnante qui nous rappelle clandestinement les allégations faussement séculaires de Torn Hawk dans son dernier album. 

De ces agréments plus qu'inspirés par les orchestrations au vibraphone de jeux vidéo japonais et d'épopées virtuelles dont on se plaît à lorgner les prochaines sorties, "Ten Song For Humanity" se rapproche paradoxalement d'harmonies classiques : instruments à vents, choeurs, tout ce qu'il y a de plus coutumier d'un bon vieil album d'Enigma. Mais ce parti pris révèle une ambiguïté située dans ses capacités d'évocations kitsch et pernicieuses, celles d'un monde aveuglé par les hautes instances d'un Wall Street omnipotent, d'une uniformisation des comportements et d'un "hyper individualisme" dominant.

Entre ironie et embrassade, les intonations de ce nouveau James Ferraro épousent et vomissent en choeur le monde de demain et le saluent avec le chiffre "3" de Human Story 3, comme l'annonce du nouveau volet d'une saga virtuelle qu'on contrôle au joystick, qui exploite les angoisses d'aujourd'hui avec l'irrévérence de la certitude que ce monde-là n'existera jamais comme on se plaît à l'imaginer (ou le diaboliser).



Entre le concret et l'ineffable, rien n'est réel, l'argent volant n'a plus de valeur comme le partage des données en ligne n'en a jamais eu, plus rien n'est sûr hormis la vision calfatée de chaque individu végétant dans son quotidien comme autant de futurs embryons en culture de souche. Life is a game. Et si James Ferraro veut jouer, qu'il joue, car ce premier extrait aguiche nos hémisphères pointés comme des antennes d'hexapodes en quête de chef-d'oeuvres.

UPDATE : Human Story 3 est autoédité par James Ferraro le 14 juin, écoutez l'album en entier sur Soundcloud ci-dessous et précommandez le sur Bandcamp ici.