Ne me demandez pas pourquoi mais l'autre soir dans mon pieu, alors que, ruisselant de sueur, je tardais à trouver le chemin des songes, je me faisais la réflexion que notre époque manquait quand même cruellement de belles, grosses voix suffisamment étranges et singulières pour nous faire dévier du chemin de nos certitures esthétiques. Puis, quelques jours plus tard, en écoutant trop fort le nouveau Baxter Dury dans le métro pour essayer de comprendre le succès d'estime étonnant du cabot anglais, je me confortais à affirmer par écrit, sur un coin de moleskine, que cette carence expliquait sans doute notre promptitude à nous détourner si vite des nouveautés pop, même celles qu'on s'encense à soi-même, pour nous en retourner à des vieilleries de seconde zone souvent tombées dans notre notre discothèque par un coup de force du hasard.
Tout ça pour dire qu'Elias Bender Rønnenfelt, le gamin à la tête d'Iceage, a une voix merveilleusement ambiguë et chancelante et que cette amphibologie merveilleuse ne s'est jamais aussi bien entendu que sur le surprenant troisième album du quatuor danois, Plowing Into the Field of Love, dont le lyrisme joyeusement surjoué, théâtral, un peu bastringue, n'est pas sans rappeler les derniers Walkmen ou les grands moments outrés de Tom Waits.
Alors certes l'irregularité presque conceptuelle de la voix de Rønnenfelt n'est pas sans précédents dans l'histoire du rock (il y a évidemment du Joe Strummer, du Ian Mackaye, du Stephen Pastel qui traînent dedans) mais ses accès et accents d'étrangeté s'affichent surtout suffisamment fièrement pour nous violenter et nous redonner un peu foi en la jeunesse pour trouver sa voix entre les mailles du filet. Restez dans les parages si ça vous parle, parce qu'on reparlera sûrement de de disque d'une manière ou d'une autre.
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