Bénis sont ceux qui ne connaissent pas encore l'oeuvre du chamane ladino Ghédalia Tazartès. Bénis, vernis, fortunés - leur avenir mélomane est radieux et rempli d'émerveillements par milliers. Car s'il est un créateur absolument insolite et majeur de notre underground musical français, Tazartès fait surtout partie de ces artistes dont l'oeuvre a le pouvoir de changer la vie mélomane de ceux qui l'écoutent en un disque, un concert, un instant.
Réputé dans au moins trois domaines qui ne communiquent pour ainsi dire jamais (la musique électronique, la poésie sonore et la musique improvisée), le Français est reconnu à égalité pour ses talents de poète halluciné, performeur vocal hallucinant et compositeur irénique. Autodidacte altier, nomade dans tous les sens du terme et vénéré par les fans de noise autant que les plus scolastiques des inventeurs la musique concrète (il a par exemple collaboré avec Michel Chion), Tazartès a déboulé dans le fouillis post punk à la fin des années 70 avec les magiques Diasporas ou Une éclipse totale de soleil et attend toujours qu'un théoricien lui passe la corde au cou et perce à jours ses fabuleuses séances d'invocation des esprits frappeurs de la Vieille Europe, trois décennies après.
Dans La bar mitzvah du chien, sa nouvelle oeuvre commandée par Quentin Rollet et Bisou Records, il présente deux mille-feuilles monstrueux où il interprète tour à tour "un rabbin chantant dans une langue inventée, un chamane envouté, un politicien au discours vide" et s'accompagne de bourdons de cordes approximatives, de cassettes de rock'n'roll et d'inventions électroniques tellement énigmatiques qu'on ne serait pas étonnés de les découvrir sur un disque de Low Jack ou de Leyland Kirby.
Histoire de vous mettre doucement le pied à l'étrier de cette oeuvre totale mais moins évidente d'accès que ses concerts élégiaques (il manque, en quelque sorte, les images), les gens de Bisou nous ont envoyé deux extraits à partager, dont le premier illustré par un collage d'images inquiétant et exalté de notre confrère Rubin Steiner. Nous souhaitons un beau moment aux adeptes comme aux néophytes, et conseillons à tout ce beau monde de se procurer illico ce merveilleux disque qui vous accompagnera sans doute longtemps dans la vie.
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