Je dois vous informer d'un fait dont je suis le premier étonné. Depuis qu'on nous a envoyé You're Dead!, le nouveau Flying Lotus hier matin, je l'ai écouté délibérément quatre fois en entier, et j'en ai éprouvé à chaque fois un plaisir un peu plus précis et peu plus intense.
Je dis que j'en suis étonné parce que c'est la première fois que ça m'arrive. Les disques précédents de Steven Ellison, je les ai tous écoutés scrupuleusement, professionnellement, mais ils sont tous, sans exception, resté des objets de curiosité lointains, des lettres mortes effrayantes qui ne se muaient jamais en lettre de feu dans ma tête et dont je me forçais à admirer les fluxes et formes étranges sans y capter grand chose, sans comprendre surtout la passion qu'ils suscitent chez tant d'individus au goût sûr et au cerveau bien fait.
Et pour ce qui concerne mon changement de sentiment sur You're Dead!, j'ai bien peur qu'il ne soit pas dû à la présence de Kendrick Lamar, Snoop ou même de la charmante Angel Deradoorian sur quelques morceaux; non, la seule raison qui me fait chavirer, c'est que le Californien y passe (enfin) la ligne jaune qui le séparait du beau bizarre nourri notamment au jazz électrique des années 70 au jazz électrique des années 70 tout court, celui composé sur du papier à musique par des musiciens un peu trop virtuoses avec des coupes afro et des idées un peu compliquées derrière le crâne.
Main dans la main avec son comparse tripatouilleur de basse active à 6 cordes Thundercat, Ellison s'adonne certes encore un peu au chaos freaked out, aux samples de Morricone, à la soul 70's et au post hip-hop post J Dilla dont il est toujours le chef de file involontaire, mais assume surtout désormais intégralement le recours aux descentes chromatiques au Rhodes et aux thèmes avec trop de notes. La présence très explicite d'Herbie Hancock sur deux morceaux ne trompe d'ailleurs personne: le grand Herbie n'est pas venu jouer du funk à la Head Hunters ou taquiner le vocoder comme sur "Rock It" mais poser du piano électrique comme à sa grande époque cosmique électrique.
Tout ça pour dire que je sais que je sais très bien que je ne suis pas le seul à m'être enquillé trop de jazz rock dans mon adolescence mais qu'il ne fait surtout pas un pli que You're Dead! sera brocardé par "les jeunes" et les mélomanes légitimement allergiques à la fusion pour son ambition intense; tout ça pour dire surtout que pour la première fois, je me demande si Steven Ellison, dont la bio officielle continue à nous seriner qu'il est le petit-neveu d'Alice Coltrane, n'est pas effectivement ce type un peu génial qu'il a l'air persuadé d'être depuis depuis qu'il fait des disques. Ça ne s'entend pas de manière évidente sur le nouveau trop court extrait ci-dessous, mais on en reparle, si vous le voulez bien, dès que le disque a débarqué chez les disquaires, le 6 octobre prochain.
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