Pour des raisons de cycle à peu près évidentes, les sons synthétiques les plus emblématiques de la deuxième moitié des années 80 - ceux produits par le DX7 de Yamaha et la plupart de ses cousins et concurrents dont les nouveautés principales étaient la synthèse FM, les sons de cloche prêts à l'emploi et la technologie numérique - ont la cote en 2014. Ainsi tous les gros pervers et / ou théoriciens à la pointe de la musique électronique de l'époque de Oneohtrix Point Never jusqu'au déconstructeur de trance de plus en plus branché Lorenzo Senni n'utilisent plus que ça et en toute logique, le retour de flammes dans la techno, la house et l'EDM ne fait que commencer.
Pour la réalisation d'Industry, brillante pochade semi théorique dont la contrainte a consisté à reprendre ses propres tubes en n'utilisant que les sons d'usine de synthétiseurs laissés brut dans le multipiste, Stefan Goldmann prend un peu d'avance sur la mode en utilisant exclusivement 3 stations de travail typique de la fin des années 80 au milieu des années 90: le Technics WSA1R, le Korg Triton en rack, descendant du Korg M1, "Père de tous les expandeurs" et enfin, le TG33 de Yamaha, expandeur arrivé sur le marché en 1989 qui utilisait la fameuse puce FM du DX7 et qui signa en quelque sort l'arrêt de mort de la technologie maîtresse du son électronique des années 80.
Pourquoi se lancer dans un tel projet? Parce qu'au-delà des considérations critiques et esthétiques par collier de 100 - chaque époque collectionne ses sons d'usines et ses tics de production comme autant de démons - Industry fait évidemment quelque chose d'étrange au cerveau: il donne l'impression de plonger la tête dans le bain du début des années 90, quand ces sons à la modernité très problématique fabriquaient le tissu sonore de notre quotidien, en nous donnant à écouter des morceaux musiques qui n'auraient pour la plupart pas pu voir le jour à l'époque. Ce n'est évidemment pas la première fois que ça arrive puisqu'une bonne partie des produits de notre temps farouchement rétrophile est même concernée par le problème, mais jamais depuis le Far Side Virtual de James Ferraro, collection de miniatures muzak 2.0. inspirées par l'esthétique Windows 95, n'avait on eu le loisir de regarder ces étranges sonorités droit dans les yeux, notamment pour en apprécier les beautés jusque-là insoupçonnées.
A noter ensuite pour le lecteur attisé que la sortie d'Industry sera accompagnée de l'édition du premier livre de Goldmann, le bien nommé PRESETS – digital shortcuts to sound. Rassemblant de nombreux entretiens avec "des leaders d'industrie, des codeurs, des producteurs, des musiciens et des plasticiens", dont Robert Henke (AKA Monolake et premier concepteur d'Ableton LIVE), le producteur MIchael Wagener (Metallica, Janet Jackson, Ozzy Osbourne) ou l'artiste multimédia Cory Arcangel (également collaborateur de Daniel Lopatin à ses heures), le livre se propose comme la première exploration exhaustive du monde des presets.
"De la synthèse aux librairies de samples, de l'émulation d'instruments aux clones d'instruments célèbres jusqu'aux compositions et performances automatisées, (Stefan Goldmann) met à jour des liens entre musique électronique, musique classique et musiques traditionnelles, rock à guitares et art contemporain": en bref, on ne l'a pas encore lu mais on sait déjà que ça sera 100 fois plus éclairant qu'un énième documentaire sur la TR-808 de Roland. En attendant qu'on en reparle en détails avec l'intéressé, allez donc faire un tour sur le blog de Goldmann consacré au projet pour voir si on vous raconte des cracks.
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