Nom / âge / ville : Pierre Bastien, 61 ans, Rotterdam / Paris / Barcelone; Emmanuelle Parrenin, 66 ans, Paris
Maison Mère : Pierre: Pierre Bastien tapes / Emmanuelle: Les collectages
Premier souvenir musical : Pierre: "Caravan" en direct par T-Bone Walker; Emmanuelle: Les quatuors de Bartok, de Ravel et de Debussy
Dernier site visité : Pierre: studiowalter; Emmanuelle: "Les conférences de l'inexploré" sur le site de l'INREES
Dernier disque acheté / téléchargé: Pierre: Negra Consentida et Mambo Rhapsody par Pupi Campo y Su Orquesta, disque 78 tours Riviera acheté aux puces; Emmanuelle: Kink Gong,Voices
Au travail sur: Pierre: Silent Motors, nouveau set; Emmanuelle: Trilogie " D'une maison l'autre"
Tracklisting:
Part 1: La sélection de Pierre Bastien, commentée par ses soins
1 - Allen Ginsberg – Complaint of the Skeleton to Time
2 - Aluar Horns – Aluar Horns
3 - Andarele Vamonos – Ecuador, Tierra Caliente
4 - Brigitte Fontaine et l’Art Ensemble of Chicago – Comme à la radio
5 - Musique du Burundi – Chant avec cithare
6 - Jelly Roll Morton – Jelly Roll's background
7 - Duke Ellington – Black and Tan Fantasy
8 - Eugene Chadbourne, –These Foolish Things
9 - Yoruba – Sakara Nago Yoruba
10 - Musique du Burundi – Ubuhuha
11 - Gavin Bryars – Jesus'blood never failed me yet
12 - Aphex Twin – Delphium
13 - Sun Ra – Sun Song
14 - Squarepusher – Gong Acid
15 - Moondog – Caribea
1 - Cette sélection reflète un certain éclectisme, mais aussi une certaine logique en même temps, en tout cas je l'espère. Elle révèle également d'où je viens, en commençant par un poète de la Beat Generation qui avait énormément d'influence quand j'étais adolescent et que les beatniks traversaient tout le pays en auto-stop.
2 - Pour faire écho au groupe de free jazz qui accompagne Allen Ginsberg, voici les Aluar Horns, une des nombreuses polyphonies africaines, qui vont des Sénoufos joueurs de trompe en Côte d'Ivoire aux Ba-Bembe avec leurs énormes trompes anthropomorphiques au Congo, en passant par les Banda et leurs instruments à vent en Afrique centrale. Ce morceau-là a été enregistré en Ouganda.
3 - Un texte écrit au XVIIe siècle par le propriétaire français d'une plantation quelque part dans le nouveau monde nous montre comment les esclaves africains ont réinventé leurs traditions perdues. Dans ce texte le maître fait mention d'un esclave qui frappe différents rythmes sur un morceau de bois. Un après-midi, alors que le maître joue du luth sur la terrasse, l'esclave l'observe, et se met à frapper sur des bûches de différentes tailles au lieu de se contenter d'une seule. Il avait compris que la musique jouée par son maître changeait selon la longueur des cordes. Il transpose alors ce processus à son propre instrument, redécouvrant ainsi le balafon, un xylophone africain, et inventant le marimba américain.
4 - Au début des années soixante-dix, quand j'ai commencé à jouer de la musique dans des groupes, Paris était la ville rêvée pour le free jazz : Anthony Braxton, Steve Lacy, Alan Silva, Clifford Thornton, Frank Wright et beaucoup d'autres y vivaient et y jouaient. L'Art Ensemble of Chicago a également passé quelques années en France et nous a fait découvrir leur « Great Black Music ». Cette chanson, avec Areski aux percussions et Brigitte Fontaine au chant, est très vite devenue un hit sur la scène de musique expérimentale de l'époque.
5 - Voici un autre hit : l'ouverture du 33 tours d'Ocora sur les musiques du Burundi : un murmure mystérieux accompagné par une basse groovy. Ocora est le label de la radio française dédié aux traditions musicales du monde entier ; c'est le prolongement de l'entreprise initiée par Pierre Schaeffer. « Musiques du Burundi » a gagné le Grand Prix de l'Académie Charles Cros. Il ne fait aucun doute que le premier morceau a impressionné le jury de la même manière qu'il m'a impressionné moi : je me suis vite acheté une cithare inanga, l'instrument bizarre que l'on entend ici, et j'ai compris la raison de ce murmure. Cet instrument est composé d'un morceau de bois léger et creux et d'une seule corde qui passe neuf fois au-dessus de cette caisse de résonance. La corde est faite d'un intestin d'animal, sans doute une vache, séché et tordu. Du fait de sa fabrication, cet instrument ne fait pas beaucoup de bruit : la couverture de ce 33 tours montre le musicien accroupi avec l'inanga qui touche le sol, probablement pour avoir plus de résonance.
6 - Jelly Roll Morton, « l'inventeur du jazz », a peut-être eu des ancêtres africains. Dans ce court morceau, il prétend cependant que sa famille vient de France, « From the shores of France ». Ce n'est pas par chauvinisme que je l'ai choisi, mais à cause de ma passion pour la musique de Ferdinand Lamenthe (c'est le vrai nom de Jelly Roll Morton) et de la façon très musicale avec laquelle il a raconté sa vie à Alan Lomax, qui a enregistré des heures de son histoire à la bibliothèque du Congrès en 1938.
7 - Il n'y a que le piano de Duke Ellington qui puisse succéder aux accords de Mister Jelly Roll. C'est un style purement « jungle », avec des trombones et des trompettes qui rugissent, des breaks audacieux et des beats torrides.
8 - Mon premier instrument était la guitare. J'ai arrêté d'en jouer la première fois que j'ai entendu un enregistrement d'Eugene Chadbourne. Des années plus tard, je me suis acheté une nouvelle guitare et j'ai recommencé à jouer, mais seulement en privé, après avoir passé une semaine avec Eugene Chadbourne.
9 - Mon morceau préféré ! Je n'ai jamais rien entendu de meilleur. C'est exactement comme ça que j'aimerais sonner. Mais ça a été déjà fait de manière magnifique : c'est de la musique Nago par le peuple des Yoruba dans l'ancien royaume de Dahomey.
10 - Voici un autre morceau du 33 tours d'Ocora « Musiques du Burundi ». La chanteuse est une vielle femme à qui il ne reste plus de dents. Elle utilise ses lèvres comme une anche : elle souffle à travers et les fait vibrer en même temps qu'elle chante. Le résultat est un duo à une seule personne, et un son unique et très personnel.
11 - Voilà qui est plus proche de nous : le compositeur britannique 'pataphysicien Gavin Bryars est le premier musicien à avoir fait référence explicitement à mon écrivain préféré, Raymond Roussel, avec sa « Ponukeleian Melody » en 1975. Ceci est un autre morceau composé à partir de ce qui a l'air d'être un morceau déjà enregistré : une partie chantée pré-existante est jouée en boucle et orchestrée, avec par-dessus la voix de Tom Waits.
12 - Encore plus proche : Aphex Twin ! Au Barbican Center à Londres il y a 12 ans, il a joué l'un des plus beaux et des plus mémorables concerts que j'ai vus de ma vie. Nous étions à peu près deux cents à errer sous la verrière au milieu des plantes exotiques avec des casques sans fil, en écoutant un mix subtil de centaines de courts extraits musicaux pendant deux heures. À un moment, j'ai eu l'impression que tout le monde autour de moi était défoncé : quand nos chemins se croisaient, les gens me regardaient d'un regard vide, avec une expression rêveuse sur le visage, jusqu'à ce que je m'aperçoive que c'était exactement pareil pour moi, parce que nous étions tous emportés par la musique.
13 - J'aurais pu choisir n'importe quel morceau de Sun Ra, de n'importe quelle période. J'ai choisi un morceau qui date d'avant que je ne découvre sa musique en 1971 : il est encore plus mystérieux pour moi, et moins familier, malgré le fait que j'ai souvent passé de longues périodes de temps à n'écouter absolument que la musique de Sun Ra.
14 - En tournée en Angleterre avec Squarepusher, j'ai mieux compris les nombreuses facettes de sa personnalité. Chaque soir, le programme qu'il avait préparé pour la rave me paraissait extrêmement audacieux. Le show commençait par un DJ set de Luke Vibert ou DJ Rephlex, alias Grant Wilson Claridge, puis je jouais mon set, puis Cassette Boy jouait, suivi d'un trio de free jazz avec Tom à la basse, un saxophoniste et un batteur, et puis encore un DJ set et enfin le set frénétique de Squarepusher. Tom Jenkinson a l'esprit ouvert à toutes sortes de nouvelles expériences, et c'est un expert quand il s'agit de faire la synthèse de tous les sons qui l'intéressent.
15 - La musique classique occidentale ne m'a jamais trop intéressé, à l'exception de quelques œuvres de Satie et de Ravel, et de toute la musique de Moondog sans exception. J'aime particulièrement les orchestrations inhabituelles et les nombreux schémas rhytmiques différents.
Part 2: La sélection d'Emmanuelle Parrenin
1 - Toots & The Maytals – Funky Kingston
2 - Charlie Parker – Night in Tunisia
3 - Tom Waits – Downtown Train
4 - Miles Davis – Générique Ascenseur pour l’échafaud
5 - Mahmoud Ahmed – Tezeta
6 - Etta James – Stormy Weather
7 - Musique Gbaya – Chants à penser / Naa-Bua
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